Etudiants engagés : Ambre, fervente défenseuse de la biodiversité

Publié le dim 16 Avr 2023

Elle a bientôt 22 ans, étudie en 3ème année de licence de biologie à l’université Savoie Mont Blanc (USMB) et a participé cette année à la conférence des Nations Unies sur la biodiversité. Elle, c’est Ambre Bichard, étudiante militante engagée pour préserver la biodiversité et l’environnement. Rencontre avec une jeune femme déterminée.

De la prise de conscience à l’engagement

Installée dans l’une salles du Pôle Montagne sur le campus du Bourget-du-Lac, un sourire timide aux coins des lèvres, Ambre attend patiemment le début de son interview. À la première question, la patience laisse place à la passion. Les premiers mots fusent et les phrases s’enchaînent rapidement mais jamais le discours ne verse dans la précipitation. Un rythme qui fait écho à son parcours de militante pour l’environnement.

Le déclic ? Il se fait d’abord en terminale grâce à sa professeure de philosophie, très engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique. Lors d’un cours qui aborde l’importance de la diversité culturelle, Ambre prend conscience des autres modes de vie qui existent dans le monde et découvre la notion de dérèglement climatique. “J’ai appris à regarder autour de moi, à ouvrir les yeux sur ma façon de vivre, de consommer, et comment cela pouvait impacter l’environnement. J’avais une vague notion avant cela, mais je n’y prêtais pas vraiment attention. J’habite dans une région de montagne et pour moi, il n’y a rien de plus précieux que l’environnement naturel dans lequel je suis et dans lequel je me sens bien. Cette année là, je me suis prise une grosse claque : si je ne changeais pas mes habitudes, si nous, en tant que société, ne changions pas notre mode de vie et de consommation, tout cela allait disparaître.

Puis c’est le documentaire “L’exploration inversée” qui lui ouvre les yeux sur le lien entre les enjeux sociétaux et les enjeux climatiques. L’histoire de ces deux Papous qui découvrent la France, les profondeurs du métro parisien et les gigantesques centres commerciaux de la capitale. Perplexes devant l’absurdité de la surconsommation à l’occidentale, les membres de la tribu des Huli ne comprennent pas l’individualisme et l’indifférence du peuple français.

À partir de ce moment, Ambre “entre en résistance”. Documentaires, articles, interviews, livres : elle absorbe tout ce qu’elle peut trouver sur la lutte contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Elle fait ses premières marches pour le climat, se nourrit des rencontres qu’elle y fait et décide de s’engager un maximum dans le mouvement. Elle participe à une expérience de science participative du CNRS qui permet d’étudier les effets du changement climatique sur le blob, anime un atelier pédagogique autour de la biodiversité dans un centre aéré avec des enfants âgés de 6 à 10 ans, et rejoint les associations Blairoudeurs et Univert, deux collectifs étudiants de l’USMB qui sensibilisent et militent en faveur de la biodiversité et l’environnement.

En septembre 2022, grâce à un autre membre des Blairoudeurs, Ambre entend parler de Global Youth Biodiversity Network (GYBN), un collectif international de jeunes de 18 à 25 ans dont le but principal est la préservation de la biodiversité. La délégation francophone du collectif recrute alors plusieurs jeunes pour sa participation à la COP15. Cette 15ème Conférence des Parties de la convention sur la diversité biologique réunit des dirigeants, négociateurs, ONG et entreprises venant de 196 pays. Objectif : convenir d’une nouvelle série d’objectifs pour lutter contre l’effondrement de la biodiversité dans le monde.

Il faut dire que les chiffres sont plus qu’inquiétants : 75% des milieux terrestres et 40% des écosystèmes marins sont fortement dégradés. Près d’un million d’espèces animales et végétales sont actuellement menacées d’extinction et le rythme de disparition des espèces est 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel. Il s’agit de la plus grande perte de vie depuis les dinosaures. Certains experts parlent même d’une 6ème extinction de masse, provoquée en grande partie à cause de l’activité humaine.

Ambre tente sa chance et postule auprès de GYBN, sans vraiment trop y croire. Sa candidature est retenue parmi près de 2 000 candidats. 3 mois plus tard, cette jeune militante se retrouve au cœur des négociations de la COP15 qui se déroule du 7 au 19 décembre 2022 à Montréal. Mais dès les premiers jours, l’enthousiasme cède la place à la désillusion.

Je pensais peut être naïvement qu’on allait, nous les jeunes, faire bouger les lignes, provoquer du changement. Finalement, on avait qu’un rôle d’observateurs et pas de participants. En tant que jeunes, notre légitimité n’était pas forcément reconnue par les “grandes instances” de la COP15. On a réussi à avoir un entretien d’1h avec le ministre français de l’écologie pour essayer d’inclure les jeunes dans les politiques nationales et dans les processus de décisions politiques en lien avec la biodiversité. Qu’on puisse au moins avoir notre mot à dire à l’échelle nationale. Là aussi, on a été très déçus car on ne nous a pas vraiment donné le temps d’exposer et d’expliquer notre point de vue. Finalement, ça ressemblait plus à une opération com qu’un véritable échange.

Compliqué de faire le poids face à des délégations de ministres et des négociateurs. Lors d’un panel sur la protection des fonds marins, un des négociateurs prend la parole puis termine son discours en buvant une bouteille de Coca-Cola. La désillusion se renforce, les doutes s’installent et Ambre en vient à se demander si elle ne va pas écourter son séjour canadien.

La force du collectif

Fort heureusement, d’autres rencontres viennent redonner un élan de confiance et de détermination à notre jeune étudiante. Lors du Youth Summit, un événement organisé par GYBN avant les négociations finales de la COP15, Ambre rejoint près de 300 jeunes venus de 80 pays différents. 3 jours d’ateliers et de rencontres pour comprendre les enjeux de la COP15 et échanger autour de la biodiversité et de l’environnement.

Elle y présente un atelier en binôme pour dénoncer le greenwashing, une méthode de marketing que certaines marques ou grandes entreprises utilisent pour communiquer auprès du public dans le but de se donner une image écologique trompeuse. À l’issue de sa présentation, plusieurs jeunes viennent à sa rencontre pour en savoir davantage sur la thématique. “Ce qui est fou, c’est que même en étant investis dans la COP15 et pour l’environnement de manière globale, certains n’avaient jamais entendu parler du greenwashing. Et les entendre me dire qu’ils seront des consommateurs plus avertis et qu’ils feront désormais davantage attention aux logos et aux étiquettes des produits qu’ils achètent, ça faisait vraiment plaisir. Les sensibiliser à tout ça, c’était le but de mon atelier et ça l’air d’avoir plutôt marché !“.

Sur son compte Instagram, Ambre fait vivre la COP 15 de l’intérieur à sa famille, ses amis… et à ses nouveaux followers. Si l’exercice de la story est nouveau pour elle, la jeune militante s’applique à transmettre ses nouvelles connaissances pour sensibiliser sa communauté. Chaque jour, elle partage des informations qu’elle recueille dans l’enceinte de la COP15, met en lumière la complexité des liens entre l’écologie et la politique, et invite les membres de sa communauté à s’impliquer à leur tour à l’échelle locale. “Pendant l’événement, j’ai eu énormément de nouveaux followers qui me posaient des questions sur ce qu’il se passait, ce que j’entendais, ou ce que je postais. Je n’ai jamais eu autant de DM sur Instagram !”

Au sein de la délégation francophone de GYBN, les échanges fusent également. Impressionnée et inspirée par ses pairs, Ambre prend sa place dans le collectif et crée peu à peu son réseau. Venant du Canada, d’Afrique et d’Europe, les jeunes partagent leurs expériences dans leur lutte pour protéger la biodiversité.  “On vient de différentes régions du globe et cela impacte forcément nos priorités. Par exemple, pour nous Français, l’objectif est de réduire notre consommation de plastique alors que pour d’autres jeunes en Afrique ça va être de lutter contre la corruption de leur pays qui autorise des projets climaticides contre de l’argent. Même si nos problématiques sont différentes, on arrive à se réunir autour de valeurs communes et c’est ce qui fait la force de notre combat pour la biodiversité.”

 Le Youth Summit est également l’occasion de rencontrer des populations autochtones de la région, du Canada et plus largement du monde entier. Ces peuples qui vivent au cœur de la biodiversité en harmonie avec la nature sont venus témoigner de leur histoire et de leur culture. Témoins directs de l’effondrement de la biodiversité et du réchauffement climatique, leur discours touche profondément les jeunes militants. “Ils ont vécu l’expulsion de leur terres au profit de l’extraction de pétrole, au profit de grandes entreprises qui ne résonnent que par l’argent. On ne peut pas ne pas se battre pour ces populations minoritaires qui protègent la biodiversité et dont les droits sont bafoués par les gouvernements. Nous sommes une génération consciente de la gravité de la crise climatique et nous avons le pouvoir, sur le long terme, de provoquer un vrai changement structurel au sein de nos instances gouvernementales. Ils [les autochtones] nous ont dit de ne rien lâcher, qu’on a la chance nous d’être sur la scène internationale et qu’on peut faire bouger les choses. Qu’aujourd’hui ce sont nous, les jeunes, qui sommes la force moteur sur Terre.”  

Une sensibilisation et un combat qui se poursuivent

À son retour en France, Ambre continue de sensibiliser son entourage à travers son compte Instagram, mais pas que. Sur le campus du Bourget-du-Lac, elle participe à l’événement “Climat en danger” organisé par la bibliothèque universitaire et anime une mini-conférence sur sa participation à la COP15, en collaboration avec l’association Univert. L’occasion de répondre à toutes les questions que se posent les étudiantes et étudiants sur la COP15, son fonctionnement, les accords passés à Montréal et comment participer à la prochaine édition en 2024. “La COP, c’est l’occasion de rejoindre plein de projets, de rencontrer des gens de tout horizon, de développer ses compétences personnelles. C’est une expérience hyper enrichissante à laquelle je n’imaginais pas du tout pouvoir participer. Si la préservation de l’environnement et de la biodiversité est un sujet important pour vous, rapprochez-vous de GYBN. Tout le monde peut se présenter et avoir le pouvoir de faire changer les choses.

En mars, elle participe à la Semaine Étudiante de l’Écologie et de la Solidarité sur l’atelier Fresque de la biodiversité proposé par Campus USMB 1.5, un collectif regroupant 265 personnes de l’USMB (étudiants et personnels) qui organise des actions de sensibilisation sur les campus autour de la thématique du réchauffement climatique. “Je sais que les questions écologiques peuvent faire peur et on préfère parfois ne pas se lancer car cela peut paraître trop dur à porter. Pourtant c’est maintenant qu’il faut qu’on agisse, et qu’on agisse ensemble. J’ai fait des rencontres incroyables grâce aux associations et collectifs, et on est toujours dans cette sphère de positivité, d’humanité où on s’entraide tous ensemble et on avance tous ensemble. Si l’environnement vous intéresse et vous préoccupe, n’hésitez pas à à rejoindre une association, vous y rencontrerez des gens qui ont les mêmes convictions et défendent les mêmes intérêts que vous !

Après sa licence de biologie, Ambre souhaite poursuivre ses études en master Gestion de l’environnement. Toujours en quête de nouvelles connaissances, ce parcours lui permettrait de discuter davantage avec des professionnels de l’environnement et de sensibiliser le public en vulgarisant les notions qu’elle étudie en cours. Tout en continuant bien évidemment ses engagements associatifs auprès d’Univert et des Blairoudeurs.