Le LIP/PC2S engagé dans le plan « santé jeunes »

Publié le lun 29 Mai 2017

Le 7 mai 2017 est paru le décret national officialisant le dispositif expérimental sur la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes. Les médecins traitants, les psychiatres et les médecins scolaires peuvent désormais prescrire aux adolescent-e-s, dans plusieurs villes de certains départements, jusqu’à douze séances avec un psychologue, remboursées par la Sécurité sociale.

Arnaud Carré, enseignant-chercheur au Laboratoire InterUniversitaire de Psychologie, Personnalité, Cognition, Changement Social (LIP/PC2S) de l’Université Savoie Mont Blanc (USMB), a publié récemment un article sur ce dispositif, sur le site The Conversation, un site de partage de savoirs sur l’actualité mettant en avant des contributions d’universitaires. Le financement du site est principalement assuré par les structures contributrices dont notamment : la Conférence des présidents d’université, l’Institut universitaire de France, l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres, l’Université Paris-Saclay, l’Université de Lorraine et l’Université Sorbonne-Paris-Cité qui font partie des membres fondateurs.

Co-écrit avec Yannick Morvan, Maître de conférences en psychologie à l’Université Paris Nanterre, cet article explique comment l’accès gratuit au psychologue peut être une arme contre le mal-être des adolescent-e-s.

Pas de santé sans santé mentale

Un des messages fondamentaux en santé publique, relayé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans ses différents plans d’action, est : « Pas de santé sans santé mentale », pour reprendre les mots du professeur britannique d’épidémiologie psychiatrique Martin Prince, de l’Institut de psychiatrie de Londres. La gratuité des consultations chez les psychologues pour les jeunes, sur prescription d’un médecin, va dans ce sens.

En octobre 2016, le gouvernement avait ouvert la discussion sur le remboursement des consultations des adolescent-e-s chez les psychologues en libéral. En effet, seules les consultations en institution, c’est-à-dire en centre hospitalier, en centre d’action médico-sociale précoce, en centre médico-psycho-pédagogique ou bien encore en centre médico-psychologique, sont actuellement prises en charge. L’accès aux psychologues dans des cabinets de ville reste à la charge des individus ou de leurs familles.

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Lutte contre la détresse et le mal-être

L’heure n’est pas à la généralisation du remboursement des psychologues pour tous et dans tout le pays. Il s’agit pour le moment de réaliser une étude en santé publique qui concerne les jeunes nécessitant une prise en charge d’ordre psychosociale, sans médicaments. Elle concerne des jeunes présentant des symptômes qui ne sont pas évocateurs d’une pathologie mentale considérée comme lourde.

Ce dispositif a pour objectif de mesurer l’effet d’une activité plus soutenue des psychologues contre la détresse et les sentiments de mal-être des jeunes ou l’inadaptation (tant personnelle que scolaire, pouvant inclure les décrochages), dans le but d’éviter que les troubles ne s’aggravent. Les patient-e-s visé-e-s par cette expérimentation vont être amené-e-s à rencontrer des psychologues dûment inscrit-e-s au registre national des psychothérapeutes. La prise en charge des jeunes se déroulera après une première évaluation effectuée par un médecin, en coordination avec les Maisons des adolescents, dont le rôle va être renforcé.

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Une réorientation en cas de troubles sévères

Ces principes offrent la garantie, pour tous les jeunes approchés, d’une démarche diagnostique médicale. Ceux présentant un risque suicidaire, des troubles psychiatriques sévères et des manifestations psychotiques (évocatrices par exemple d’une schizophrénie émergente) ne seront pas inclus dans le dispositif, mais réorientés vers des soins spécialisés. Le ministère de la Santé a quant à lui indiqué à la commission des affaires sociales que l’identification de la souffrance chez les jeunes répondrait aux recommandations en vigueur, notamment de la Haute Autorité de Santé (HAS) et de Santé Publique France.

Le défi, pour le futur dispositif, sera de surmonter la difficulté à distinguer d’une part les signes révélateurs de troubles passagers ou de stratégies d’adaptation peu efficientes, et d’autre part les symptômes caractéristiques de l’entrée dans une véritable atteinte de la santé mentale, comme montré par différents travaux et études.

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Des soins trop tardifs

À travers ces réflexions et ces actions, l’enjeu est de se garder aussi bien de trop soigner, que de ne pas soigner assez. D’éviter la surmédicalisation, ou l’inverse, l’omission de soins, ou des soins trop tardifs.

Ce dispositif expérimental représente un outil épidémiologique et thérapeutique considérable pour mener une politique de santé publique moderne et rigoureuse. Il invite à poursuivre la définition d’un réseau de santé reposant sur plusieurs piliers qui sont d’ordre médical, psychologique, paramédical ou bien encore éducatif. Nul doute qu’à terme les formations des professionnel-le-s de santé (dont les psychologues font partie) devront être repensées autour de dispositifs de santé publique décloisonnés et pluridisciplinaires. La bonne collaboration entre psychologues et médecins doit à l’évidence en être le pivot.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Arnaud Carré est enseignant-chercheur en psychologie, et plus précisément dans le champ de la psychopathologie. Neuropsychologue de formation, titulaire d’un doctorat en psychopathologie cognitive, puis post-doctorat en santé publique et en neurosciences affectives (INSERM Paris), il a d’abord travaillé au CHU de Reims et à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris avant de rejoindre le groupe de Recherche, d’Expérimentation et d’Expertise en psychologie de l’USMB.

Après avoir été qualifié aux fonctions de maître de conférences en psychologie et en neurosciences, il intègre l’USMB en septembre 2014 au laboratoire LIP/PC2S, et continue ses recherches sur les processus cognitifs et affectifs impliqués dans la régulation des émotions et des comportements, en ayant un intérêt particulier pour les perturbations du traitement de l’information émotionnelle, de l’auto-régulation et de la motivation. Ces processus sont impliqués dans l’évaluation et la prise en charge tant dans les troubles émotionnels (anxio-dépressifs), les troubles de la cognition sociale (autisme, schizophrénie) que les addictions (aux substances ou comportementales).

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