Journée des Transitions de l’USMB : accompagner les transitions et donner du sens pour demain

Publié le lun 15 Déc 2025

Le 9 décembre dernier, la Journée des Transitions a rassemblé plus d’une centaine de personnes issues des corps enseignant et étudiant, du personnel de l’USMB et des acteurs du territoire, à Polytech sur le campus du Bourget-du-Lac.

Le lancement officiel du schéma directeur « Développement durable et responsabilité sociétale et environnementale (DDRSE) », par Philippe Briand, président de l’USMB et Claire Salmon, vice-présidente Interdisciplinarité, lien formation-recherche et directrice de l’Institut des Transitions, a donné le ton de la journée : une trajectoire collective et ambitieuse, structurée autour de cinq axes — gouvernance, formation, recherche, environnement et politique sociale — qui se déclineront en objectifs stratégiques et en plans d’actions pour les années à venir.

Dans cet esprit, la journée avait pour vocation de rassembler la communauté USMB autour des transitions technologiques, environnementales et sociétales, afin de construire ensemble une université plus durable, inclusive et solidaire.

Une matinée pour comprendre les transitions en montagne : un contexte hors équilibre inédit

Deux tables rondes pour éclairer les enjeux : “Montagne en mouvement | Montagne en transition” où chercheurs et acteurs du territoire ont croisé leurs regards autour des risques gravitaires et glaciaires en montagne. De ces échanges, un triptyque central a émergé : anticiper, s’adapter et s’impliquer pour mieux habiter les territoires de montagne confrontés à un contexte « hors équilibre » inédit.

Table-ronde sur les risques glaciaires* © USMB

 

Les risques d’origine glaciaire et péri-glaciaire (ROGP) ont également fait l’objet d’échanges approfondis, illustrés par le cas du glacier du Grand Marchet. Ce dernier a vu en effet, ces dernières années, un lac glaciaire se former, dont la potentielle vidange menaçait le camping de Pralognan-la-Vanoise. Martine Blanc, maire de la commune, a ainsi partagé son retour d’expérience de la gestion de ce risque majeur, en revenant sur le chantier piloté par sa commune de création d’un canal pour éliminer le risque inhérent au lac glaciaire. Elle a également aborder la complexité de la prise de décision, en la matière, illustrant la pression qui pèse sur les élus face aux risques liés au changement climatique.

La télédétection a été évoquée comme outil essentiel pour surveiller l’évolution des glaciers, par Emmanuel Trouvé, professeur au LISTIC. Il a souligné l’intérêt d’utiliser les images satellite, optique et radar, dont la grande couverture spatiale, la finesse de résolution et la régularité d’acquisition permettent véritablement d’ausculter en permanence la cryosphère et de suivre son état.

David Binet, directeur de l’Agence RTM Alpes du Nord qui agit comme gestionnaire des risques naturels en montagne, a rappelé l’importance d’une mémoire des risques réalisée grâce à la mise à jour en continu d’une base de données d’événements, et le rôle de l’ONF-RTM dans l’appui aux politiques publiques, indispensables pour accompagner la prise de décision face à des scénarios climatiques incertains.

Pour Jean-Baptiste Bosson, docteur en glaciologie et directeur de Marge Sauvage, l’un des porteurs du programme Ice & Life, l’enjeu est clair :

« Face à l’urgence de la crise écologique, il n’est pas trop tard pour agir et innover dans les territoires en impliquant chercheurs, habitants, acteurs économiques et politiques. »

Xavier Bodin, chargé de recherche au laboratoire EDYTEM, a quant à lui rappelé la dimension sociale des risques dits “naturels” :

« Dans nos montagnes en cours de réchauffement, l’évolution de la cryosphère (glaciers, permafrost) va inévitablement se traduire par des phénomènes générateurs d’aléas nouveaux. Ces derniers, localement et exceptionnellement, peuvent prendre des dimensions dramatiques comme l’ont montré les événements de Chamoli en Inde en 2021 ou de Blatten en 2024. Si ces phénomènes naturels attirent une attention croissante, à la fois des pouvoirs publics et des scientifiques, il est fondamental de mieux prendre en considération également la vulnérabilité des sociétés humaines exposées. Même si cette vision intégrée des risques dits « naturels », croisant l’aléa et la vulnérabilité, est un exercice délicat, car éminemment politique (au sens noble du terme), elle est fondamentale : ne pas le faire conduit à reporter sur les milieux naturels la charge des modifications et laisse inchangées les causes premières du risque, qui sont avant tout le fruit d’une organisation sociale, de choix économiques et de décisions politiques. »

Table-ronde sur les risques gravitaires** © USMB

 

Cette idée de transformation nécessaire et partagée a été renforcée par d’autres membres de la communauté scientifique, comme François Nicot, professeur à ISTerre, en parlant des phénomènes gravitaires :

« Le changement climatique global conduit inexorablement l’écosphère dans une situation hors d’équilibre. Plus que l’augmentation des valeurs moyennes des paramètres clés (comme la température), ce sont les fluctuations de ces paramètres qui sont déterminants (distribution annuelle des précipitations, fluctuations des températures). Finalement, la question n’est pas de savoir si tel ou tel événement est imputable au changement climatique seul, mais d’anticiper le fait que les évènements gravitaires ne pourront qu’augmenter en intensité et fréquence dans les années à venir. Dans ce contexte hors équilibre inédit, la réponse ne pourra se suffire à la seule science, et devra d’abord et avant tout exiger une modification profonde dans l’acceptation sociétale du risque »

Ces échanges ont posé un cadre scientifique solide, ouvrant la voie à un après-midi consacré à l’engagement, à la mise en action et aux initiatives concrètes.

Exposition photo « Lacs de montagne, des écosystèmes fragiles », commentée par Marine Souchier, ingénieure d’études au CARRTEL ©USMB.

La pause méridienne a marqué une transition vers une après-midi placée sous le signe de la sensibilisation, en proposant une approche plus sensible des enjeux de transition. Une exposition photographique et un court documentaire ont ainsi invité à porter un regard renouvelé sur les lacs de montagne, écosystèmes fragiles, et sur les communs fonciers, envisagés comme leviers de lien social et de gestion partagée des ressources.

Une après-midi pour passer de la compréhension à l’action

© USMB (photos), © Pascale Merle (scribbing)

L’après-midi invitait les participants à “allier le geste à la parole”. Trois fresques — biodiversité, numérique et égalité — ont permis de sensibiliser, débattre et co-construire des pistes d’actions autour des grandes transitions.

« L’enjeu des outils mobilisés dans la fresque est précisément d’aborder la complexité des inégalités de genre et de sexe, et de dépasser une lecture binaire et simplificatrice opposant femmes et hommes. », Fabienne Gillonnier, responsable APC STAPS et animatrice de la fresque de l’égalité.

Chantal Puel, formatrice en transition écologique, animatrice de la fresque de la biodiversité ajoute : « [Lors de l’atelier] Nous avons pu identifier de très nombreux leviers d’action : végétalisation de l’alimentation, moins tondre les espaces verts, restaurer des zones humides, contribuer aux sciences participatives, s’émerveiller devant la beauté du Vivant… »

Dans l’atelier «Recherche, labos et université en transition », Anne-Marie Bocquet, maîtresse de conférences à l’IAE, a fait part de sa pratique : « L’intégration de la TEDS à l’IAE est à la fois un challenge et une formidable opportunité pour faire vivre l’IAE, autour d’un programme co-construit par tous les acteurs de l’IAE, le corps enseignant et étudiant, le Club des Entreprises et les partenaires. Avec à la clé de très belles réussites : sorties terrain, projets, Midis de la Transition, ateliers et fresques… Comme cette année, la Fresque géante du climat organisée en partenariat avec la Ville d’Annecy [1] qui a réuni près de 200 étudiants ! » soulignant une belle dynamique collective à l’œuvre.

@ Pascale Merle

Des étudiantes et étudiants ont également témoigné de leur engagement, qu’il s’agisse du statut de réfugié climatique (Faculté de Droit), de la gestion des biodéchets (Polytech), de la préservation de la biodiversité avec l’association Les Blairoudeurs, ou encore de l’entrepreneuriat social avec Innov’adapt, porté par Roxane Gonzalez.

Pour Nicolas Mourgues, vice-président Étudiant de l’USMB, la reconnaissance de l’engagement étudiant constitue un enjeu majeur :

« Valorisation, temps pour s’engager, soutien financier aux associations… les étudiants ont besoin que leurs engagements dans les TEDS soient pleinement accompagnés. »

Universités et laboratoires en transition : paroles de porteurs de projets

La seconde partie de l’après-midi a mis en lumière des initiatives menées par des enseignants-chercheurs et des chargés de mission œuvrant pour une université plus responsable.

© Pascale Merle

Gilles Fraisse, chargé de mission transition écologique, a présenté un projet de recherche soumis à l’ADEME portant sur l’analyse et la prédiction des consommations énergétiques des campus. Un travail qui vise à détecter les dysfonctionnements et à établir un plan d’action conforme aux objectifs du décret tertiaire.

Bérangère Legendre, professeure et directrice de l’IREGE, a partagé les résultats d’une enquête menée sur les effets du télétravail : une baisse significative des émissions liées aux trajets domicile-travail — entre 300 et 400 kg de CO₂ par an — mais à relativiser au regard des « effets rebonds » liés aux mobilités privées, à la consommation d’énergie au domicile ou encore à l’usage du numérique.

Sylvain Montagny, enseignant rattaché à CROMA a, lui, présenté l’ambition du projet LoRaWan : « Faire 400 000 € d’économie par an à l’USMB », un objectif appuyé par un tableau de bord accessible publiquement [2], qui mesure en temps réel les économies réalisées.

Une journée pour tracer un chemin commun

Cette Journée des Transitions a permis de relier diagnostics scientifiques, retours d’expérience du terrain, initiatives étudiantes et projets universitaires, dessinant une vision à la fois lucide et engagée des transformations à mener.

En articulant savoirs, pratiques et innovations, l’USMB affirme sa volonté de construire une université pleinement mobilisée pour les transitions, au cœur de son territoire et en dialogue constant avec lui.

En savoir plus

Contact : Céline Lestievent, chargée de communication Institut des Transitions 

* Table-ronde sur les risques glaciaires à laquelle ont participé en tant qu’animateur : Jean-Christophe Clément, professeur des universités au laboratoire CARRTEL, et tant qu’intervenants : Martine Blanc, maire de Pralognan-la-Vanoise ; Emmanuel Trouvé, professeur des universités au LISTIC ; Jean-Baptiste Bosson, docteur en glaciologie et directeur de Marge sauvage ; Jean-François Joye, professeur des universités au CERDAF ; Florent Arthaud, maître de conférences au laboratoire CARRTEL.

**  Table-ronde sur les risques gravitaires à laquelle ont participé en tant qu’animateur : Jean-Luc Got, professeur émérite au laboratoire ISTerre, et tant qu’intervenants : François Nicot, professeur des universités au laboratoire ISTerre ; Jérôme Aubry, maître de conférences au laboratoire ISTerre ; Xavier Bodin, chercheur CNRS au laboratoire EDYTEM ; David Binet, directeur de l’Agence RTM Alpes du Nord.

Ressources citées dans l’article :

[1] TV 8 Mont Blanc. JT du vendredi 24 octobre 2025. « Mettre les jeunes face au défi du changement climatique grâce à une fresque » : https://www.youtube.com/watch?v=ckqJqoZfeF8&t=81s

[2] USMB. Economie d’energie – pilotage LoRaWAN du chauffage : https://grafana.univ-lorawan.fr/public-dashboards/35823f6a115d4ca88208ae639e9b99e0?orgId=1&from=now-7d&to=now&refresh=5m