Avec le déploiement des Situations d’Apprentissage et d’Évaluation (SAÉ), l’université Savoie Mont Blanc opère une mue pédagogique profonde. Si la transition demande un investissement conséquent aux équipes enseignantes, les retours de terrain dessinent une réalité encourageante : des étudiants plus engagés et des savoirs davantage ancrés dans le réel.
Les SAÉ – pierres angulaires de l’Approche Par Compétences (APC) – invitent les étudiants à se confronter à des tâches authentiques, proches des exigences professionnelles, afin de favoriser l’apprentissage et évaluer les compétences. Mais au-delà de la réforme institutionnelle, que se passe-t-il vraiment sur le terrain ?
Sortir de la logique de certains étudiants : « apprendre et oublier »
Le premier constat des enseignants est sans appel : le rapport au savoir change. Là où l’ancien système favorisait parfois des stratégies à court terme (réviser pour l’examen, puis passer à autre chose), les SAÉ imposent une profondeur nouvelle.
Un enseignant résume parfaitement ce basculement : « On note une sortie des stratégies d’apprentissage dites ‘classiques’ : apprendre et oublier. Là, on va vers des appropriations beaucoup plus profondes puisque ces savoirs sont remobilisés sous forme de compétences »*.
Concrètement, l’étudiant ne se contente plus d’écouter ; il doit agir, produire (un rapport, une maquette, une solution technique) et justifier ses choix. Cette approche donne davantage de sens à la formation. Les objectifs deviennent limpides : « L’étudiant sait exactement où il en est, et nous aussi d’ailleurs »*, confie un professeur.
Ainsi, pour certains enseignants cette pratique est nouvelle et demande un certain investissement, pour d’autres, les SAÉ existaient déjà en partie et s’insèrent désormais dans un cadre institutionnel établi par l’APC.
L’enseignant : moins « transmetteur », plus « accompagnateur »
Ce changement de paradigme bouscule forcément certaines pratiques pédagogiques ; il s’agit non seulement de transmettre un savoir, mais également d’accompagner une progression.
Un intervenant explique se sentir « de moins en moins enseignant transmetteur, et de plus en plus facilitateur », un rôle qui permet davantage de « vraiment connaître les étudiants »*.
L’évaluation, elle aussi, change de visage. L’examen final laisse place à un suivi continu. « En évaluant les compétences, il n’y a plus ce poids des 50 milliards de copies à corriger d’un coup »*, témoigne avec humour un enseignant. « C’est un flux continu, on a le temps de faire des retours, ce qui n’était pas possible avant »*.
Cette évaluation au fil de l’eau permet de rattraper ceux qui décrochent : « J’ai moins d’échec, moins d’étudiants qui restent sur le bas-côté », observe un enseignant*.
Le défi du temps et de l’organisation
Cette transformation ne se fait pas d’un claquement de doigts. Si la plus-value pédagogique est au rendez-vous, le « coût » en temps et en énergie est réel pour les équipes.
La mise en place des SAÉ est décrite comme chronophage. « Les choses ont été longues, cela nous a demandé une année de travail et de réunions régulières », admet une équipe*. Entre la formalisation des compétences et la création des grilles d’évaluation, la tâche est lourde.
De plus, les SAÉ imposent un travail collectif qui peut parfois « crisper »*, car tous les enseignants n’avancent pas au même rythme, ni ne partagent la même vision de leur mise en place. Le passage au Contrôle Continu Intégral est ainsi qualifié de « très, très lourd »* par ceux qui le pratiquent, même s’ils en reconnaissent l’intérêt pédagogique. La « bonne formule » peut être difficile à identifier, sans même parler d’éventuelles contraintes logistiques.
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Malgré les obstacles organisationnels et la charge de travail initiale, le bilan penche clairement vers le positif. Grâce à des outils comme le portfolio, qui aide l’étudiant à prendre du recul sur son parcours, et à une évaluation plus ancrée dans le réel et régulière, l’université forme des profils plus autonomes et réflexifs et favorise une montée en compétence réelle et durable de l’étudiant.
Effets de l’évaluation des compétences :
Pour en savoir plus :
*Témoignages issus des vidéos ci-dessus listées