Les deux laboratoires de psychologie de l’USMB étudient le vieillissement cérébral des individus

Publié le mar 3 Avr 2018

Ce printemps se sont déroulées au centre de congrès « le Manège » de Chambéry, les Journées biannuelles d’étude du vieillissement (JEV). Ces journées, organisées par les deux laboratoires de psychologie de l’Université Savoie Mont Blanc, le  Laboratoire de Psychologie et Neurocognition (LPNC) et le Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie – Personnalité, Cognition, Changement Social (LIP/PC2S), ont été l’opportunité de présenter auprès d’une centaine de participantes et participants, chercheuses et chercheures et professionnels de santé, les dernières avancées sur l’évolution des compétences et aptitudes au cours de la vie.

Quatre conférences plénières et plus de 25 communications orales, au sein desquelles les laboratoires chambériens étaient largement représentés, ont permis de dresser un bilan riche et actuel des facteurs cognitifs et sociaux de vulnérabilité mais également de résistance au vieillissement cérébral.

Entretien avec Pascal Hot autour du vieillissement cérébral

À cette occasion, la rédaction du Dauphiné Libéré a questionné Pascal Hot, professeur des universités en neuropsychologie à l’Université Savoie Mont Blanc.

Dauphiné Libéré : Le vieillissement cognitif est-il inéluctable ?

Pascal Hot : L’apparition d’un vieillissement cérébral se manifeste très rapidement, dès 25 ans. Notre cerveau se transforme très jeune, et au fil des années les modifications de l’organisation de notre cerveau vont augmenter.

À quels changements peut-on s’attendre quand on vieillit ?

Des études sur les mesures globales de l’intelligence montrent que lorsqu’une tâche est réalisée dans des contraintes de temps, on voit des différences apparaître entre la personne jeune et la personne âgée qui correspondent à un déclin des performances des sujets âgés. Si on laisse plus de temps aux personnes âgées ces différences diminuent. On constate aussi une augmentation du coût cognitif nécessaire pour réaliser deux tâches en même temps. Le coût cognitif d’une tâche se définit par l’attribution de ressources attentionnelles à cette tâche. Si on demande à une personne âgée de descendre l’escalier et qu’en même temps, on lui demande de faire une tâche spécifique, les aspects physiologiques comportementaux de la marche vont être altérés, ce qui peut entraîner un risque plus important de chute. Pas chez le sujet jeune.

Le déclin cognitif, c’est quoi exactement ?

On le définit d’abord par un constat comportemental. C’est le fait que nos performances en mémoire, en attention, en concentration, vont être moins bonnes, comparées à lorsque nous étions plus jeunes. Les capacités sémantiques (le langage) restent préservées longtemps au cours du vieillissement. Mais, les capacités attentionnelles vont, elles, connaître une diminution progressive au cours de la vie. Cela ne correspond pas à une perturbation grave que l’on peut avoir dans une démence.

Quand on aborde l’aspect biologique, qu’est-ce qui vieillit avec l’âge ?

Les neurones sont les seules cellules qui ne se reproduisent pas. Cette perte neuronale se traduit par des diminutions des connexions entre les régions cérébrales. Ce qui fait que notre vitesse de traitement de l’information, par exemple, va être plus lente. Dès l’âge de 20 ans, on perd tous régulièrement un grand nombre de neurones. Mais ce n’est pas un processus qui a des répercussions immédiates. Heureusement, on peut maintenir, des activités de haut niveau jusqu’à 80 – 85 ans sans souci, mais c’est plus coûteux en effort. La personne âgée va devoir mettre en place des stratégies compensatoires, là où l’individu jeune va avoir affaire à un processus très automatique.

Peut-on ralentir le processus de vieillissement cérébral ?

Le cerveau est représenté comme un muscle, il ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Si on a une activité cognitive, mentale, assez élevée, on va observer un maintien, une préservation sur une durée plus longue des capacités, qui peut aller jusqu’à 7 ou 8 ans. Par exemple, une personne âgée qui pratique une activité musicale ou théâtrale depuis de nombreuses années, aura un vieillissement cérébral ralenti. Depuis sept – huit ans, on s’intéresse aussi aux effets des activités sportives. On remarque un lien direct entre le maintien de l’efficience cognitive et l’activité sportive.

Le cerveau est-il capable de s’adapter au vieillissement ?

Notre cerveau est plastique, c’est une découverte fondamentale de ces quinze dernières années. Il se modifie en fonction des expériences vécues. Dire qu’on n’est pas capable d’apprendre une langue étrangère parce qu’on a 50 ans, c’est une idée reçue. On peut apprendre à tout âge de la vie. L’organisation cérébrale est capable de se transformer si on vit des expériences nouvelles ou des apprentissages nouveaux. Les neurones certes, se détruisent, mais les connexions qui existent entre les neurones, elles, peuvent continuer à s’enrichir, à augmenter.

Quand on vieillit on perd la mémoire. Vrai ou faux ?

Certains aspects de la mémoire sont très bien préservés : les apprentissages devenus automatisés. En revanche, la mémoire épisodique, celle des événements de la vie, personnellement vécus dans un cadre temporel particulier se détériore avec l’âge. Vous allez vous souvenir de manière assez robuste que Paris est la capitale de la France, par contre, ça va être plus difficile de vous rappeler que vous avez perdu votre portefeuille lors d’un voyage à Paris.

En vieillissant, la mémoire devient-elle plus sélective ?

On constate que le vieillissement ne s’accompagne pas de déclin dans des activités qui vont être associées au traitement émotionnel, au ressenti de l’émotion et à la manière d’être capable de réguler ces éléments émotionnels. Et des études suggèrent qu’on a une capacité grandissante avec l’âge dans la capacité à réguler nos états émotionnels. Les personnes âgées ont des scores sur le ressenti d’état de bien-être similaires, voire supérieurs, aux sujets jeunes. Derrière cela, il y a une hypothèse motivationnelle, car les personnes âgées font des choix de vie. Il ne leur reste plus tant de temps à vivre, alors elles se focalisent sur les éléments plutôt agréables de la vie.

Les stéréotypes liés au vieillissement peuvent-ils avoir des répercussions néfastes ?

C’est aussi un des axes de questionnement dans les études du vieillissement. On peut avoir des résultats détériorés à des épreuves chez des personnes qui pour autant gardent une efficacité réelle du processus engagé dans cette épreuve. Car on va avoir des effets indirects motivationnels, de représentation de soi dans la société qui peuvent, sans que l’on s’en rende compte, influencer nos performances. Il suffit parfois de présenter la même épreuve avec un habillage différent pour avoir des performances qui augmentent, voire identiques aux sujets jeunes. Par exemple, au lieu de dire « on fait une tâche de mémoire », on va leur dire « faisons une tâche de créativité ».

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