CASEIS : retour sur une mission océanographique avec Christian Beck, chercheur à ISTerre

Publié le jeu 5 Nov 2020 Caseis Martinique

Comment anticiper un séisme et prévenir une catastrophe naturelle et humaine ? La réponse se trouverait en partie au fond des océans, plus précisément dans l’étude de ses sédiments marins qui portent en eux les traces des séismes passés. À l’honneur au Palais de la découverte de Paris en cette fin d’année 2020, l’exposition « Séismes, Avalanches et Sédiments marins » plonge les visiteurs au cœur de l’histoire géologique des Antilles à travers l’expédition CASEIS (CAribbean SEISmicity).

Une mission à laquelle a pris part Christian Beck, professeur émérite à l’Institut des Sciences de la Terre (ISTerre) et sur laquelle il revient pour nous.

Prévenir les risques naturels de demain grâce au passé

CASEIS est l’une des campagnes océanographiques nationales et internationales dédiées, depuis près de 30 ans, à l’analyse des risques naturels dans l’Arc des Petites Antilles, notamment les Iles Françaises situées dans les Caraïbes. Les recherches dans lesquelles s’inscrit la mission CASEIS contribuent à une meilleure connaissance de l’aléa sismique régional, autrement dit la probabilité qu’un séisme destructeur se produise dans une région donnée pendant une période donnée. C’est sur cette connaissance de l’aléa sismique que les gestionnaires du risque s’appuient pour identifier les potentiels dangers encourus par des occupations et installations humaines.

Caseis Discussion Map
Discussion au PC scientifique du N/O POURQUOI PA0S? avec Nathalie Feuillet, physicienne à l’I.P.G. Paris et Chef de Mission

« Des recherches débutées dans les années 1970 ont montré que des séismes et des tsunamis peuvent être enregistrés dans des dépôts sédimentaires ; on peut alors remonter dans le temps sur plusieurs dizaines de milliers d’années grâce à ces archives naturelles. On parle de paléo-sismicité. Un des effets les plus fréquents est le déclenchement d’avalanches sous-marines qui évoluent en courants denses et rapides (plusieurs mètres/seconde) capables de rompre des câbles sous-marins. Les tsunamis, parfois dus à des glissements sous-marins sans séisme, ont aussi un effet en profondeur sur les sédiments non encore consolidés, en plus des dégâts causés par la vague à terre. La mission CASEIS était destinée à rechercher ces différentes traces, sur une période de 50 00 ans environ, en bordure Est de l’Arc des Petites Antilles, là où la lithosphère Atlantique s’enfonce sous la série d’iles volcaniques. » explique Christian Beck.

Pour rechercher ces fameuses traces, l’équipe de CASEIS a effectué plusieurs prélèvements de sédiments appelés carottages sédimentaires. Le carottage consiste à utiliser un tube cylindrique de plusieurs mètres de long (ici jusqu’à 30 m), enfoncé à la verticale, pour prélever des sédiments marins. L’analyse des couches sédimentaires récoltées au sein de la carotte permet de retracer l’histoire géologique de la région étudiée. Au total, ce sont 42 sondages carottés avec une longueur cumulée de 512 m de sédiments et près de 2 000 km de profiles sismiques qui ont été récoltés à bord du Navire Océanographique POURQUOI PAS ?, propriété conjointe d’IFREMER et de la Marine Nationale.

Caseis Carottes

Une équipe internationale pluridisciplinaire aux expertises variées

CASEIS rassemble plusieurs équipes de recherche venant des quatre coins du monde, chacune amenant des instruments spécifiques qu’elle possède et dont elle maîtrise l’utilisation. « Les spécialités s’additionnent et assurent une rentabilité scientifique maximale. La faisabilité technique d’une mission est un facteur majeur de sa programmation, au même titre que les résultats scientifiques espérés.  » précise Christian Beck.

C. BeckDurant l’expédition, le chercheur d’ISTerre a partagé son expertise et sa fine connaissance de la géologie de la bordure Sud des Caraïbes avec l’équipe de recherche. Depuis 1990, il développe en effet des analyses sédimentologiques destinées à repérer les traces de séismes et tsunamis dans des accumulations de sédiments, en associant différentes techniques de laboratoire et d’acquisition offshore.

Au sein du laboratoire ISTerre, deux types de mesures de sédimentologie ont été réalisées afin de caractériser la composition des carottes sédimentaires :

  • la micro-granulométrie laser, une technique basée sur la diffraction de la lumière qui permet de mesurer la taille des micro-particules de roches ou plus exactement de leurs rayons ;
  • la mesure de la susceptibilité magnétique des carottes sédimentaires qui change en fonction de la nature des minéraux, de leur concentration et de leur taille.

Carotte Resultats Caseis

« L’ensemble des données récupérées est toujours en cours d’analyse dans plusieurs laboratoires. Le financement de l’exploitation des données récoltées pendant la Mission CASEIS (imagerie, mesures, carottes de sédiments) est assuré actuellement dans le cadre d’un projet ANR appelé CARQUAKES dans lequel je suis co-responsable des travaux de sédimentologie. » précise Christian Beck.

En attendant les résultats détaillés de l’analyse des carottes sédimentaires, la mission CASEIS a permis de constater que 5 événements majeurs ont eu lieu dans l’ensemble de la zone étudiée (300 km du Nord au Sud) pour une période d’environ 50 000 ans. Ces événements seraient liés à 5 séismes profonds majeurs avec tsunamis associés et seraient espacés dans le temps de plusieurs millénaires. Tout ceci grâce à une cartographie très détaillée des fonds marins, en particulier des zones de glissement et des canyons qui véhiculent les avalanches sous-marines et à une mise en évidence de déformations actives et en particulier de grandes failles.

Une future mission de type CASEIS est en discussion pour analyser l’extrémité sud de l’Arc des Petites Antilles.

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