Un trio extrêmement puissant dans le Grand Nuage de Magellan (GNM)

Publié le lun 23 Mar 2015

Dans le Grand Nuage de Magellan, galaxie satellite de la Voie Lactée, le réseau H.E.S.S. a découvert trois sources d’origine stellaire, de nature différente, et parmi les plus lumineuses connues à ce jour dans ce domaine : une nébuleuse de pulsar et un vestige de supernova, tous deux très brillants, ainsi qu’une coquille large de 270 années-lumière qui aurait été́ formée par les vents d’étoiles massives et les explosions en supernova associées. Communément appelée “superbulle”, cette dernière représente un nouveau type de sources émettrices dans ce domaine gamma de très haute énergie. Pour la première fois, des sources gamma de type stellaire sont ainsi détectées dans une galaxie autre que la Voie Lactée.

Les chercheurs du Laboratoire d’Annecy-le-Vieux de Physique des Particules (LAPP) contribuent à une découverte de taille dans le cadre du High Energy Stereoscopic System (H.E.S.S.).

Le réseau H.E.S.S. est un des instruments de détection de rayons gamma de très haute énergie les plus sensibles au monde. Il s’agit d’un système de quatre télescopes situés en Namibie, en Afrique australe, de 13 m de diamètre, récemment complété par un très grand télescope de 28 m. En septembre 2012, après 10 ans de fonctionnement, les télescopes avaient enregistré 9 415 heures d’observation, et détecté 6,4 milliards d’événements. H.E.S.S. a permis de découvrir la majorité des plus de 150 sources cosmiques connues émettant dans le domaine gamma de très haute énergie.

La collaboration H.E.S.S. fédère de nombreux chercheurs venus du monde entier qui exploitent et font parler les données. Ils viennent d’Allemagne, de France, du Royaume-Uni, de Namibie, d’Afrique du Sud, d’Irlande, d’Arménie, de Pologne, d’Australie, d’Autriche, de Suède et des Pays-Bas et sont soutenus par leurs agences de financement et organismes respectifs.

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Le Grand Nuage de Magellan (GNM) est une galaxie naine satellite de la Voie Lactée, située à près de 170.000 années-lumière. Le plus jeune vestige de supernova connu à ce jour se situe dans le GNM, ce qui a amené les scientifiques de  H.E.S.S. à poursuivre une longue campagne d’observation de cette source. Pendant un total de 210 heures, les télescopes de H.E.S.S. ont été braqués sur la nébuleuse de la Tarentule, la plus grande et plus active région de formation stellaire au sein du GNM. Pour la première fois dans une galaxie autre que la Voie Lactée, des sources individuelles de rayons gamma de très haute énergie ont pu y être détectées : trois objets stellaires extrêmement énergétiques, et de diffèrent type :

  • La superbulle 30 Doradus C est la plus large structure en forme de coquille visible en rayons X connue à ce jour. La détection de 30 Doradus C avec H.E.S.S. est une première dans le domaine, et démontre que les superbulles contiennent effectivement des particules de très haute énergie.
  • Les pulsars sont des étoiles à neutrons extrêmement magnétisées, en rotation rapide, produisant un vent de particules ultra-énergétiques. Confinés dans une nébuleuse, ils produisent un flux important de rayons gamma. La plus connue d’entre elles est la Nébuleuse du Crabe or la nébuleuse N 157B contenant le pulsar PSR J0537-6910 dans le GNM est dix fois plus lumineuse que celle du Crabe.
  • Le vestige de supernova N 132D est l’un des plus vieux vestiges émettant en rayons gamma de très haute énergie. Cependant, N 132D est plus lumineux en gamma que les vestiges de supernova plus jeunes. Ces observations, dans la lignée d’autres résultats obtenus avec H.E.S.S. confirment l’idée que les vestiges de supernova semblent être plus lumineux dans ce domaine que communément admis.

« La nébuleuse de pulsar et le vestige de supernova, détectés dans le GNM avec H.E.S.S. sont plus énergétiques que les plus puissants de leurs homologues connus dans la Voie Lactée. Le taux de formation stellaire élevé dans le GNM a de toute évidence permis d’engendrer ce type de sources aussi extrêmes », résume Nukri Komin, enseignant-chercheur à l’Université de Wits à Johannesburg (Afrique du Sud), ancien chercheur au LAPP à Annecy et post-doctorant au CEA/IRFU à Saclay.

La collaboration H.E.S.S., projet phare, a été récompensée par le prix Descartes de la Commission Européenne en 2006 et par le prix Rossi de la Société Américaine d’Astronomie (AAS) en 2010. Une étude publiée en 2009 a inclus H.E.S.S. parmi les 10 observatoires astronomiques les plus influents dans le monde.

Contact : Gilles Maurin