Géologie : percer les mystères de la formation des Andes

Publié le jeu 2 Avr 2020

Pourquoi et comment le glissement d’une plaque océanique (Nazca) sous une plaque continentale (Amérique du Sud) peut-il conduire à la formation d’une chaîne de montagnes parmi les plus hautes du globe, les Andes en l’occurrence, alors qu’ailleurs dans le monde ce phénomène dit de subduction n’entraîne aucun soulèvement de la plaque continentale ? C’est la question à laquelle Joseph Martinod, géologue, professeur à l’Institut des Sciences de la Terre (ISTerre) à l’Université Savoie Mont Blanc (USMB), Laurent Husson, chercheur CNRS à l’ISTerre à l’Université Grenoble Alpes, Mélanie Gérault, chercheuse au Massachusetts Institut of Technology (MIT) et Vincent Regard, enseignant-chercheur à l’université de Toulouse 3 Paul Sabatier, apportent une possible réponse dans un article consacré à l’élargissement et au soulèvement de la Cordillère des Andes publié en mars dans la revue scientifique Earth-Science Reviews.

Un consensus qui reste à trouver

 Cela fait une vingtaine d’années que Joseph Martinod s’est pris de passion pour cette vaste chaîne qui s’étire sur environ 8 000 km de la Terre de Feu au Venezuela, totalise jusqu’à 800 km de largeur, abrite une quarantaine de sommets à plus de 6 000 mètres, de vastes plaines d’altitude mais aussi le point le plus éloigné du centre de la terre (Chimborazo, Equateur).

Cet intérêt a redoublé alors qu’il travaillait au Chili pour l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD).  Les Andes, pourtant présentées depuis longtemps en cours de géologie comme un modèle de chaîne par subduction, recèlent il est vrai encore bien des mystères quant à leur mécanisme de formation et le débat reste d’actualité.

« D’un point de vue scientifique, le consensus n’existe toujours pas sur les mécanismes qui ont conduit une chaîne de montagne de cette importance à se soulever à cet endroit. Il n’existe pas non plus sur le fait que certains secteurs des Andes soient très élevés et d’autres beaucoup moins sachant que c’est la même plaque qui converge du nord au sud et à la même vitesse« , souligne Joseph Martinod.

Une croissance par à-coups

Les chercheurs ont remonté le temps, presque jusqu’à l’époque des dinosaures, soit quelque 50 millions d’années, pour retracer le mécanisme de formation des Andes via nombre de calculs, simulations numériques, études des forçages susceptibles d’avoir entraîné des soulèvements (changement climatique, volcanisme, activité sismique…) et de travaux déjà publiés…

Et à la clé : « Nous constatons que la chaîne grandit par à-coups.  Dans ces moments-là, des secteurs de la plaque océanique de Nazca sont plus légers, ils ne s’enfoncent pas dans le manteau terrestre et restent ainsi au contact de la plaque continentale (phénomène dit de subduction horizontale). En résultent davantage de frictions et de forces exercées sur le continent. C’est alors que la chaîne se déforme, grandit et s’élargit. La croissance de la cordillère orientale bolivienne par exemple est le résultat d’un tel événement, également attesté par l’absence simultanée d’activité volcanique. Nous proposons donc que l’ampleur de la chaîne andine soit le résultat de plusieurs épisodes particuliers de subductions horizontales qui se sont produits pendant son histoire, épisodes au cours desquels l’angle de plongement de la plaque océanique sous le continent est devenu presque nul« , explique Joseph Martinod.

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