Mathieu Dellinger, chercheur du laboratoire EDYTEM, reçoit une bourse du Conseil Européen de la Recherche

Publié le mar 13 Sep 2022 carotte sédimentaire

Le Conseil Européen de la Recherche (ERC) a accordé une bourse « Starting Grant » à Mathieu Dellinger, chercheur du laboratoire EDYTEM – dont l’USMB et le CNRS sont cotutelles – pour le projet « Lake-Switch » qui s’appuie sur des travaux menés depuis 20 ans par le laboratoire.

UNE BOURSE POUR ENCOURAGER LES JEUNES CHERCHEUSES ET CHERCHEURS 

Le projet ERC propose quatre types de bourses selon l’avancement dans leur carrière des chercheuses et chercheurs qui les reçoivent. Mathieu Dellinger, lui, a été lauréat de la bourse « ERC starting Grant 2021 ». Celle-ci permet aux jeunes chercheuses et chercheurs de recruter une équipe de recherche (thèse, post-doctorant, ingénieur), de faire fonctionner un groupe de recherche et d’acheter de l’équipement pour collecter les échantillons et pour faire des mesures géochimiques, très couteuses. En effet, les analyses géochimiques des traceurs utilisés dans le projet de Mathieu Dellinger coûtent entre 70 et 100€ chacune.

LA GÉOCHIMIE, DOMAINE DE RECHERCHE DE MATHIEU DELLINGER

Mathieu Dellinger fait de la recherche dans le domaine de la géochimie, c’est-à-dire qu’il utilise la chimie pour étudier des processus terrestres. Il étudie plus particulièrement la « Zone Critique » , c’est-à-dire l’interface entre les roches de la surface de la Terre non altérées et l’atmosphère. Cette zone, qui comprend entre autres les roches, les eaux souterraines, le sol, la végétation, etc., héberge la grande majorité de la vie terrestre et des ressources utilisées par les sociétés humaines.

Grâce à ses recherches, Mathieu Dellinger essaie de comprendre le fonctionnement de cette zone à la fois dans le présent et dans le passé, et plus précisément la formation des sols. On ne connaît pas bien l’histoire de la formation et de la destruction des sols dans le passé et l’impact du climat et des activités humaines sur ces évènements.

Le processus principal à l’origine de la formation des sols est l’altération chimique des roches lorsqu’elles interagissent avec l’eau et le CO2 de l’atmosphère (qui acidifie l’eau). De nombreuses réactions chimiques ont lieu telles que la dissolution d’ions comme le sodium et le calcium et la formation de nouveaux minéraux comme l’argile.

LE PROJET « LAKE-SWITCH », quésako ?

Le projet « Lake-Switch » de Mathieu Dellinger a pour but de mettre au point des traceurs géochimiques pour reconstruire les vitesses de formation des sols dans le passé, et pour comprendre comment les changements climatiques et les activités humaines ont impacté les trajectoires d’évolution des sols au cours du temps. Et cela en observant la relation entre la présence de ces éléments traces et les processus d’altération dans les bassins versants. Ces relations pourront ensuite permettre de comprendre l’évolution de ces traceurs dans des carottes sédimentaires et de les associer à des évènements et des activités passées (déforestation, activités minières) qui sont déjà très connus dans les Alpes européennes, suite à de nombreux travaux de recherche, notamment réalisés au sein du laboratoire EDYTEM. Ces nouvelles connaissances permettront de développer des modèles pour prédire l’évolution des sols au cours du temps et aider à avoir une gestion plus soutenable des sols.

Actuellement, les vitesses d’érosion chimique et physique des roches, à l’échelle d’un bassin versant, peuvent être quantifiées en mesurant la quantité d’ions dissous et de sédiments transportés par les fleuves et les rivières. On peut reconstruire l’érosion physique passée en regardant les couches de sédiments issus des rivières et qui se déposent dans les lacs. En revanche, reconstruire l’érosion chimique passée est beaucoup plus difficile.

UNE FAÇON INNOVANTE DE TRAITER LES SÉDIMENTS PRÉLEVÉS

L’idée est d’utiliser les sédiments qui se forment directement dans les lacs,  – on dit qu’ils précipitent – et qui ensuite tombent au fond. C’est le cas des phases minérales qui précipitent dans la colonne d’eau des lacs comme la calcite des coquilles de moules, ou encore comme les squelettes des diatomées, des micro-organismes unicellulaires qui possèdent une sorte de carapace externe, qui tombe au fond des lacs une fois l’individu mort. Ces squelettes enregistrent la composition chimique des lacs au moment où elles sont créées. Ainsi, s’il y a des changements dans la composition de l’eau des rivières qui se jettent dans le lac, ils se mesurent à partir des sédiments de lacs que l’on prélève dans des carottes (échantillons prélevés en forme de tube).

L’entièreté des éléments présents ne peut pas être comparé dans ces carottes donc certains seront sélectionnés comme des traceurs spécifiques. Ce sont en générale des éléments présents en faibles quantités dans les matériaux de la terre, appelés « éléments traces » par opposition aux « éléments majeurs » que sont le calcium et le potassium par exemple. Les éléments traces sont particulièrement intéressants, car ils se retrouvent dans certaines phases ou certains processus chimiques que dans d’autres ; ils peuvent donc être utilisés comme une « empreinte » des processus d’altération.

Pour le projet « Lake Switch », les éléments sélectionnés sont le lithium et le strontium. Le premier a la particularité d’être incorporé dans les argiles lors de l’altération chimique des roches. Le second permet de différencier l’altération de deux types de roches ayant des caractéristiques très différentes : les silicates et les calcaires. Grace à la mesure des teneurs en lithium et strontium dans les sédiments précipités dans les lacs, il sera possible de reconstruire l’évolution des sols et de la Zone Critique au cours de l’Holocène (les douze derniers milliers d’années).

POUR EN SAVOIR PLUS 

Contact : Mathieu Dellinger, chercheur au laboratoire EDYTEM