Cet article a été écrit par Hervé Di Domenico, doctorant en science du sport, membre du Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité (LIBM). Il est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. [Lire l’article original]
Ça y est, nous avons connu les premières fortes chaleurs de l’année. Sans surprise, d’après les prévisions de Météo-France, d’autres, plus longues et plus fortes, nous attendent encore cet été. Certains essayent de s’y préparer psychologiquement… Mais qu’en est-il physiquement ?
Attention, ici il n’est pas question du fameux « summer body », ni de méthode pour avoir des transverses saillants sur la plage. C’est trop tard pour cela… mais il est encore temps de se préparer physiologiquement aux vagues de chaleur à venir. Si vous souhaitez continuer votre activité physique favorite pour garder la forme même en période de forte chaleur, sachez que c’est possible avec une bonne préparation et quelques précautions !
Même si leurs efficacités fluctuent en fonction des sexes et des individus, nous possédons tous des mécanismes de « thermorégulation » (contrôle de notre température corporelle) afin de conserver le sacro-saint 37 °C :
- Pour lutter contre le froid, nous pouvons bien sûr nous couvrir. Mais la principale stratégie de notre corps est le frisson. La contraction musculaire n’ayant qu’un rendement d’environ 25 %, beaucoup d’énergie est dissipée sous forme de chaleur…
- Pour lutter contre le chaud, c’est entre autres l’évaporation de notre sueur qui permet de refroidir la peau. Par conduction, le sang circulant dans cette région cutanée se rafraîchit et revient moins chaud au cœur.
Lorsque ces mécanismes de thermorégulation ne sont pas suffisants, la température corporelle change : si elle diminue trop, on parle d’hypothermie, et dans le cas contraire, d’hyperthermie. Les conséquences ne sont pas du tout les mêmes… Alors que le corps peut résister à une baisse de 9 °C de sa température (hypothermie stade 2) sans risque majeur, une hausse de seulement 3 °C (température >40 °C) peut entraîner des dommages irréversibles au niveau des organes.
D’où les messages de préventions et les recommandations du ministère de la Santé lors des vagues de chaleur. Mais comment s’y préparer ? Comment aider notre corps à s’acclimater au mieux à ces fortes chaleurs ?
Fatigue et stress thermique : des conséquences multiples
Il convient de préciser que le stress thermique est lié à plusieurs phénomènes, interne et externe. À la production de chaleur libérée lors des contractions musculaires se combinent en effet :
- La température de notre environnement,
- L’humidité qui limite l’évaporation de la sueur, et donc notre faculté de thermorégulation, au-delà d’un certain seuil ;
- La vitesse du vent qui impacte la capacité de notre sueur à s’évaporer.
- Les radiations du soleil qui viennent réchauffer notre peau.
Ces paramètres sont utilisés pour quantifier le stress thermique d’un environnement via le calcul de l’indice « wet bulb globe temperature » (température au thermomètre-globe mouillé).
Cette chaleur, on l’a vu, est difficile à supporter pour notre corps. Elle nous épuise, littéralement, de plusieurs façons et il est important de comprendre comment.
Toute activité est à double sens : notre cerveau commande nos muscles, et nos muscles informent notre cerveau de leur état physiologique. Aussi, la fatigue suite à un effort est un phénomène à la fois d’origine centrale et périphérique : soit, respectivement, au niveau de la moelle épinière ou plus (spinal ou supra-spinal) – elle va altérer la capacité du système nerveux à activer correctement nos muscles ; et au niveau des fibres musculaires – elle va limiter leur capacité à se contracter de manière intense.
L’augmentation de notre température corporelle conduit ainsi à une apparition prématurée de la fatigue d’origine centrale et à une altération de nos performances physiques et cognitives (réflexion, résolution de tâches diverses, etc.).
Activité physique et stress thermique : les idées reçues
On entend souvent qu’il faut éviter l’exercice physique lorsque la température extérieure dépasse les 32 °C. Or nous venons de voir que le stress thermique ne dépend pas uniquement de la valeur indiquée sur le thermomètre : les risques associés dépendent principalement de l’intensité de l’activité réalisée.
En effet, lors d’un exercice, la production de température interne est déterminée par le travail de nos muscles : elle est donc proportionnelle à l’intensité de l’effort fourni. En d’autres termes, continuer de courir sous un stress thermique élevé est possible… si nous diminuons notre vitesse de course.
Une autre erreur est de penser que seules les personnes fragiles (enfants et personnes âgées notamment) sont vulnérables aux coups de chaleur. En fait, de multiples facteurs déterminent ce risque. Même individuellement, un niveau de stress thermique peut être supporté une fois et nous submerger à une autre occasion (selon notre fatigue, etc.) : sa survenue est variable !
Rester vigilant est donc primordial. Comme bien se préparer.
Comment s’adapter ?
Il est possible de continuer de s’entraîner tout en évitant le coup de chaleur. Une approche clef est notamment de se laisser le temps de s’acclimater à la chaleur, d’y aller progressivement.
Exposé à un stress thermique de manière continue, notre corps s’acclimate en une dizaine de jours grâce à diverses adaptations physiologiques. La fréquence cardiaque et la température corporelle, au repos comme à l’exercice, diminuent, le volume plasmatique (part d’eau dans notre sang) augmente. Nous transpirons donc davantage et évacuons mieux la chaleur.
De nombreux athlètes utilisent des stratégies de préacclimatation : ils vont solliciter en amont leurs mécanismes physiologiques d’acclimatation naturelle au stress thermique. C’est le cas par exemple de sportifs désirant se préparer au Marathon des Sables, 240 km à boucler en cinq jours dans le désert du Sahara au Maroc, où les températures avoisinent les 50 °C. Cette course est considérée comme la plus difficile qui soit.
Les stratégies sont diverses et variées : en chambre chaude, en sauna, en immersion en bain chaud, etc. Le point commun de toutes ces méthodes est de se confronter régulièrement au stress thermique pour que l’organisme s’adapte.
Pour être efficace, elles doivent suivre plusieurs recommandations : choisir les conditions climatiques (température et humidité) auxquelles la personne sera confrontée, avoir une augmentation de la température corporelle lors des séances d’au moins 1 °C (qui soit supérieure à 38,5 °C mais inférieur à 39,7 °C), conserver cette augmentation pendant au moins une heure et réaliser cela pendant au minimum six jours consécutifs.
Mais l’accès aux infrastructures permettant de simuler ce stress thermique n’est pas forcément évident. Il est toutefois possible de se préparer chez soi.
Une méthode simple : l’immersion en bain chaud après exercice
Nous travaillons actuellement sur une méthode d’acclimatation simple, qui ne nécessite pas d’infrastructure reproduisant le stress thermique puisqu’elle implique seulement de prendre un bain chaud post-exercice :
- Réaliser un footing de 40 minutes à allure modérée, en ambiance thermique neutre (~20-25 °C), ce qui élève en moyenne la température de l’organisme autour de 38,5 °C.
- Après cet exercice, se plonger dans un bain à 40 °C, pendant 40 minutes, permet de maintenir sa température corporelle au-delà du seuil de 38,5 °C. Attention à ne pas dépasser les 40 °C, qui peuvent être dangereux. Un suivi par des professionnels lors de ses premiers essais d’acclimatation est fortement conseillé.
- Reproduire cette séquence de footing – bain chaud six jours de suite pour bénéficier de toutes les adaptations physiologiques de l’acclimatation naturelle.
Nos recherches ont démontré que cette méthode permet également de diminuer la fatigue d’origine centrale initialement exacerbée lors d’un exercice sous stress thermique, et de diminuer l’impact sur les performances cognitives.
Cette méthode, simple à mettre en place, pourrait permettre d’anticiper les adaptations physiologiques de l’acclimatation naturelle avant l’arrivée des fortes chaleurs, de se préparer à un effort physique dans un pays chaud avant le déplacement (compétition sportive dans un pays chaud ou voyage en plein été avec randonnée au programme) ou, encore, de préparer les populations militaires au stress thermique avant déploiement.
In fine, en adoptant des stratégies de préacclimatation, il est possible de se préparer efficacement au stress thermique. On repousse ainsi l’apparition de la fatigue d’origine centrale et préserve nos capacités physiques et cognitives. Toutefois, il est parfois difficile d’anticiper le stress thermique (manque d’information, de prévisions fines ou départ imprévu)…
Surtout, nos capacités d’acclimatation (et donc de préparation) sont limitées : sauna comme bains chauds ne suffiront pas si nous devons faire face à des épisodes de chaleur de 45 °C. Pour notre propre santé, il faudrait donc également travailler à limiter la production de chaleur environnementale et les hausses de température.