DeepFaune : l’intelligence artificielle au service du suivi de la biodiversité

Publié le mar 27 Mai 2025 projet deepfaune leca

Les pièges photographiques sont devenus un outil central pour les scientifiques et gestionnaires d’espaces naturels : non-intrusifs, simples à déployer, ils permettent de recueillir un grand volume d’images illustrant la faune locale. Mais cet atout devient un défi lorsqu’il s’agit de trier manuellement plusieurs milliers de clichés. Le projet DeepFaune, co-piloté par Vincent Miele, ingénieur CNRS rattaché au Laboratoire d’Ecologie Alpine (LECA) de l’USMB, apporte une réponse concrète à cet enjeu grâce à l’intelligence artificielle.

Une IA entraînée grâce à un effort collectif inédit

Lancé en 2020, DeepFaune est un logiciel libre et gratuit qui identifie automatiquement les espèces animales sur les images issues de pièges photos, ces boitiers à déclenchement automatique installés dans la nature. DeepFaune embarque des algorithmes d’IA de pointe,  entrainés par une équipe de scientifiques d’unités mixtes de recherches CNRS des universités suivantes : l’Université Grenoble Alpes (UGA), l’Université Savoie Mont-Blanc (USMB), l’Université Claude Bernard de Lyon (UCBL) et l’Université de Montpellier (UM).

Son développement repose sur une démarche de science collaborative : plus de 60 partenaires – parcs nationaux, associations, conservatoires, fédérations de chasseurs, particuliers… – ont contribué en partageant des millions d’images annotées, indispensables à l’entrainement des modèles. Ce réseau de terrain, structuré autour d’une logique sciences et société, est l’un des piliers du projet.

Un outil performant et accessible

En s’appuyant sur les capacités de calcul du supercalculateur Jean Zay (ordinateur ultra-puissant capable de traiter d’immenses volumes de données), les chercheurs ont pu entrainer et optimiser le modèle DeepFaune pour qu’il soit à la fois rapide, fiable et peu gourmand en ressources.

Résultat : plus de 97 % des identifications sont correctes, et l’outil peut traiter des milliers d’images en quelques clics, sans connexion à un serveur distant. En particulier, les performances sont excellentes sur les espèces alpines comme le chamois, le bouquetin ou la marmotte. Accessible en plusieurs langues, DeepFaune est aujourd’hui utilisé par plusieurs milliers d’utilisateurs (particuliers, parcs nationaux et régionaux, réserves naturelles ou bien encore des structures de suivi de la biodiversité) à travers toute l’Europe. Ce logiciel, gratuit et simple d’accès, est à la disposition de tous : il est possible de le télécharger ici.

Capture d'écran du logiciel DeepFaune. Un cerf/un chamois [en fonction] est détecté par l'algorithme d'IA sur une image d'un piège photographique installé dans les Bauges, avec un score de confiance de 99%
Capture d’écran du logiciel DeepFaune. Un cerf/un chamois [en fonction] est détecté par l’algorithme d’IA sur une image d’un piège photographique installé dans les Bauges, avec un score de confiance de 99%. Crédit : LECA

Une dynamique collaborative soutenue par l’USMB et le LECA

Le projet DeepFaune est un bel exemple de démarche collaborative entre plusieurs laboratoires : le Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE) de l’UM avec Simon Chamaillé-Jammes, chercheur CNRS et co-porteur de DeepFaune, le Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (LBBE) de l’UCBL, ainsi que le LECA de l’USMB.

Le LECA, implanté dans les territoires de montagne par son vaste réseau de collaboration, a pu mobiliser autour du projet DeepFaune différents acteurs locaux : le Centre de Recherches sur les Ecosystèmes d’Altitude (CREA) Mont Blanc, le Conservatoire d’Espaces Naturels de Haute-Savoie (CEN 74), l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et la Réserve Nationale de Chasse et de Faune sauvage (RNCFS) des Bauges, le Parc de la Vanoise… autant de soutiens de la première heure de DeepFaune.

Forts de ces soutiens, et conscients des demandes grandissantes des utilisateurs, Vincent Miele du LECA, expert en IA reconnu à l’échelle nationale, et l’équipe-projet poursuivent l’aventure DeepFaune. Impliquée dans un projet européen ambitieux, le projet BIG_PICTURE, l’équipe intègre actuellement aux modèles existants des espèces qui avaient été jusque-là ignorées. C’est le cas par exemple du chacal doré, en expansion, même en France. De nouveaux modèles d’IA encore plus performants sont également à l’étude.

Ce projet témoigne de l’engagement de l’USMB dans des collaborations d’envergure nationale en étroite coopération avec le CNRS. Il incarne la volonté de l’Université de soutenir une recherche ouverte et interdisciplinaire, capable de développer des outils concrets adaptés aux usages, ici, des acteurs des territoires de montagne.

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