Le 17 octobre dernier, le sujet des communs fonciers, a été présenté au Palais du Luxembourg lors du colloque « Universels, intemporels, vernaculaires : les communs fonciers enfin accueillis par la puissance publique ? » porté par la chaire Valcom, Valoriser les communs fonciers (Fondation Université Savoie Mont Blanc), en partenariat avec l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et le soutien de la Coop des communs.
Transpartisane la journée était parrainée par Pierre Ouzoulias, sénateur des Hauts-de-Seine, vice-président du Sénat, Loïc Hervé, sénateur de Haute-Savoie, vice-président du Sénat, Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, Bernard Delcros, sénateur du Cantal, Frédérique Espagnac, sénatrice des Pyrénées-Atlantiques. Olivier Chavanon et Jean-François Joye étaient à l’animation de cette journée en tant que responsables scientifiques de la chaire Valcom (Fondation Université Savoie Mont Blanc).
Une portée démocratique et de lien social
Élus, universitaires, philosophes, acteurs des tiers-lieux, ayants-droits des sections de commune ont abordé les leviers et les freins à la revivification des communs fonciers qu’il s’agisse de leurs formes ancestrales ou de leurs émanations plus récentes : gestion des forêts, des alpages, des réseaux d’eau, entretien des paysages, du petit patrimoine bâti (fours des villages, maisons d’assemblée…) afin de réfléchir aux nouveaux contours d’un État apte à promouvoir une société plus collaborative et moins centralisée. Un constat a été partagé : la puissance publique peine encore à voir les communs fonciers comme des alliés, ce malgré leur rôle positif en matière de maintien de la cohésion sociale et des pratiques démocratiques à l’échelle micro-locale.
« Les communs fonciers ne sont pas juste des objets, ils vivent au rythme humain. A des moments, ils peuvent être délaissés mais ils ne sont pas en train de mourir. Ils sont simplement en train d’attendre la génération suivante. Chez nous des jeunes s’installent et découvrent qu’on peut leur mettre des terres à dispositions. Celles-ci n’étaient bloquées par personnes, elles ne faisaient que les attendre », Alain Degorce, membre d’une section de commune, Haute-Loire
« Un vrai travail d’information et de communication doit être mené pour montrer ce que les communs fonciers peuvent apporter. C’est à la fois du patrimoine mais aussi un moyen de projection dans l’avenir particulièrement intéressant », Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère
« La gouvernance des communs est atypique. Elle soulève des questions philosophiques profondes. En 2009, l’Américaine Elinor Ostrom a obtenu le prix Nobel d’économie pour ses travaux sur le sujet. Les communs constituent à ses yeux la seule alternative au marché et à l’Etat. Il s’agit de gérer de manière démocratique des biens rivaux (constituant une ressource finie) non exclusifs (dont on ne peut priver personne). », Gaspard Koenig, philosophe
Faire évoluer le cadre législatif
L’une des pistes de travail parlementaire qui a émergé en conclusion de la journée est de faire reconnaître les communs fonciers et de faire évoluer la législation.
D’ailleurs, l’une des raisons du démarrage du projet VALCOM, fut la découverte en 2019 d’une proposition de loi sénatoriale (texte n° 182 déposé au Sénat le 9 décembre 2019) visant carrément à dissoudre les sections de commune, une des catégories de communaux (elle faisait suite à une loi 2013-428 du 27 mai 2013 qui, déjà, les affaiblissait). Elle ne prospéra pas mais l’exposé des motifs exprimait une volonté d’en finir avec un dispositif réputé désuet.
“Nous avons voulu comprendre les raisons d’un tel discrédit. Ce faisant, nous avons constaté une tout autre réalité.” J.F. Joye, O. Chavanon (Fondation USMB)
Une chaire Valcom pour promouvoir et valoriser les communs fonciers
« Au cours de ces six années de recherche de terrain, nous avons rencontré des centaines de personnes et rassemblé des centaines de documents administratifs et plus de 1000 heures d’entretiens individuels ou collectifs. C’est un corpus sans équivalent, unique en son genre, et qui permet d’affirmer que les communaux sont encore très présents en France et qu’ils constituent un patrimoine à la fois matériel et immatériel, avec des espaces d’une grande qualité écologique et d’une grande diversité de savoir-faire mobilisés.
Nous souhaitons donc promouvoir et valoriser ces systèmes. Avec le concours d’une doctorante et de deux ingénieures d’études, nous allons continuer de recenser ce patrimoine, le cartographier, mieux comprendre ses fonctionnements… Nous voulons évaluer sa valeur économique et sociale et sommes en train de mettre au point un protocole d’enquête pour fournir, à terme, un instrument de mesure. Nous réalisons également des monographies pour permettre d’identifier les façons de redynamiser ces communs. Nous allons de même lancer des formations pour les élus, les avocats, notaires… et aimerions faire évoluer le cadre législatif. », Jean-François Joye et Olivier Chavanon, responsables scientifiques de la chaire Valcom.
Quelques chiffres :
30 000
Au plan national, les sections de commune, une des catégories de « communaux » sont encore plus de 30 000 et couvrent une superficie d’environ 3000 kilomètres carrés.
11 %
A Chamonix, les consortages, un autre système de propriété collective, représentent 11% du foncier de la vallée, soit près de 4000 ha.
Replay
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