Les activités humaines, premier agent de destruction des sols dans les Alpes depuis 3800 ans.

Publié le mar 15 Juil 2025 l’érosion des sols de montagne accélérée par les activités agro pastorales depuis 3800 ans

Publication la semaine du 14 Juillet 2025 d’un article scientifique dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) par des chercheurs du laboratoire de recherche Environnements, Dynamiques et Territoires de Montagne (EDYTEM) en collaboration notamment avec l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), et le laboratoire Géosciences Paris-Saclay (GEOPS) intitulé : « Human and climate impacts on the alpine Critical Zone over the past 10,000 years ».

Une étude inédite publiée dans la revue scientifique PNAS

Une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique PNAS révèle que les activités agro-pastorales ont profondément modifié les sols alpins depuis plus de 4 000 ans, accélérant leur érosion à un rythme 4 à 10 fois plus rapide que leur formation naturelle. En analysant la signature isotopique du lithium (une analyse chimique qui permet de suivre l’évolution des sols) dans les sédiments du lac du Bourget, les chercheurs ont retracé l’histoire de l’érosion des sols depuis la fin de la dernière glaciation, soit depuis plus de 10 000 ans.

Ils identifient trois grandes phases d’érosion liées au développement du pastoralisme et de l’agriculture, qui ont successivement affecté les hautes, moyennes et basses altitudes. Ces résultats montrent que l’impact humain sur les sols de montagne dépasse de loin celui des variations climatiques naturelles au cours de l’Holocène.

Cette étude met en lumière la vulnérabilité des sols de montagne et souligne l’urgence de repenser nos usages agricoles pour préserver cette ressource vitale et non renouvelable.

Un outil inédit pour lire l’histoire des sols alpins : les isotopes du lithium

En s’appuyant sur des analyses de haute précision du lithium dans les sédiments du lac du Bourget, véritables archives naturelles, les chercheurs ont pu remonter dans le temps et quantifier les effets combinés du climat et des activités humaines sur l’évolution des sols.

l’érosion des sols de montagne accélérée par les activités agro pastorales depuis 3800 ans (2)

Ils identifient notamment, et pour la première fois, un décalage dans le temps selon l’altitude: à partir de 3 800 ans avant le présent, les sols de haute altitude ont été dégradés en premier, suivis par ceux de moyenne et basse altitude, selon la progression des usages agro-pastoraux.

Cette reconstruction, à l’échelle de tout un bassin versant, révèle une réalité frappante : l’Homme est devenu un moteur dominant dans l’évolution des sols de montagne depuis 3800 ans, marquant ce que les auteurs proposent d’appeler un « Anthropocène pédologique », une nouvelle époque géologique dans laquelle les trajectoires d’évolution des sols sont principalement dictées par les activités humaines.

Des implications globales pour la gestion durable des terres

Les résultats de l’étude sont d’autant plus préoccupants qu’ils s’inscrivent dans un contexte mondial de dégradation des sols, affectant la fertilité, la biodiversité et le cycle de l’eau. En comparant leurs résultats à d’autres régions du monde — comme les Andes ou l’Amérique du Nord — les auteurs montrent que ce basculement anthropique dans l’évolution des sols ne s’est pas produit partout au même moment, mais qu’il s’agit bien d’un processus mondial, toujours en cours.

En savoir plus :

  • Auteurs de la publication : William Rapuc, Damien Guinoiseau, Fabien Arnaud, Matthieu Dellinger, Pierre Sabatier, Jérome Gaillardet, Jérome Poulenard & Julien Bouchez
  • Consulter la publication sur le site de PNAS 
  • Contact : William Rapuc, enseignant-chercheur au laboratoire EDYTEM
  • Le laboratoire EDYTEM est une unité mixte de recherche (UMR) du CNRS et de l’Université Savoie Mont Blanc.