Soutenance de thèse de Rémi MOGENET

20 décembre 2018 14:00

Le jeudi 20 décembre 2018, Rémi MOGENET, doctorant en lettres et arts spécialité littérature générale et comparée au laboratoire Langages, Littératures, Sociétés, Études Transfrontalières et Internationales (LLSETI), soutiendra sa thèse « Romantisme et mythologie dans la littérature savoisienne. De Xavier de Maistre à Maurice Dantand (1794-1914) ».

La soutenance se tiendra à 14h, en salle 10011, sur le campus de Jacob-bellecombette.

Résumé de la thèse

La restauration sarde de 1815 a créé une littérature qui, d’abord dévouée à la dynastie savoisienne, cherchait à en rétablir le caractère sacré. Cela a tendu à forger une mythologie, dont la question est de savoir si elle est de pure convention, ou si elle a un fondement plus profond dans le sentiment individuel. Les conditions objectives de la vie culturelle de la Savoie d’alors manifestent une constante recherche d’identité dans le passé féodal. Contrairement à ce qui s’est produit en France, on a, un temps, renoncé complètement à l’héritage de la Révolution, pour revenir à l’ancien état d’esprit. L’Académie de Savoie fut créée dans cette dynamique et, en instaurant un prix de poésie, elle participa à la restauration du merveilleux médiéval. L’éducation était, de son côté, rendue à des évêques soucieux d’instruire le peuple dans un sens religieux. Cependant, malgré le tempérament romantique de Charles-Albert, l’édifice va se fissurer, sous les poussées de l’évolution sociale. La Savoie est restée une région profondément catholique jusqu’au début des années 1900 (bénéficiant, un temps, des dispositions issues du traité d’Annexion pour conserver à son clergé ses prérogatives propres) ; son goût pour le merveilleux se déplaçant vers les traditions locales, elle a longtemps entretenu un imaginaire spécifique et chatoyant. Elle puisait, à cet égard, dans une tradition littéraire déjà riche avant 1792, dominée par l’œuvre de François de Sales, mais marquée également par les chroniques dynastiques et la poésie de cour ou plus généralement patriotique, apparue dès la Renaissance. Mêlant l’art baroque et le culte des princes et des saints locaux, elle fait apparaître l’ébauche d’une mythologie dès les XVIe-XVIIe siècles. L’influence de Rousseau, également, se fera sentir sur les nostalgiques d’une Savoie idéalisée, pensée plus proche de la divinité que ne le sont les villes des plaines françaises. Le paysage est transfiguré par la poésie romantique naissante et l’individu se regarde comme un résumé de l’histoire religieuse de l’humanité. Le héros en devient, par contrecoup, plus imprégné d’humanité, sans perdre pour autant son lien avec la divinité. Les créatures surnaturelles du merveilleux païen ou chrétien, populaire ou érudit, sont également irriguées de vie propre, se reliant aux montagnes, aux lacs, aux princes, au peuple, aux réalités ordinaires vécues par les auteurs. Loin d’être laissés dans des sphères abstraites, toutes de convention, elles s’insèrent dans la vie locale et semblent être l’expression d’un génie national conçu comme une vie secrète de la terre savoisienne, à laquelle il manque peu de chose pour être une âme pensante à part entière. De fait, les phénomènes naturels eux-mêmes sont regardés comme habités par la sagesse divine, et considérés dans leur harmonie globale ; on établit l’existence d’une sphère intermédiaire, située entre le monde physique et le monde divin, dans laquelle la Providence peut précisément se manifester et s’exercer. Une forme de science romantique, sur le modèle allemand, se développe donc. Mieux encore, on tente de sonder les desseins de la divinité dans l’histoire présente, pour l’humanité prise collectivement, pour l’Europe, mais aussi pour l’individu, dont les énigmes propres sont effleurées. Ainsi s’est créée une vraie mythologie, vivante et mouvante, en Savoie. Face à la richesse de cette inspiration qui n’est convenue qu’en apparence, la question se pose de savoir pourquoi les œuvres en sont aujourd’hui négligées par la critique. Des pistes sont proposées, parmi lesquelles l’inadéquation de la tradition savoyarde, marquée par l’Italie et l’Allemagne, aux catégories de l’Université française.