Imaginez-vous debout sur le toit d’une voiture tout en conduisant à une vitesse d’au moins 120 km/h sur l’autoroute ! Chaque jour, les meilleur-e-s athlètes du monde excèdent cette vitesse, pouvant parfois atteindre les 155 km/h. Le tout sur seulement deux skis, l’esprit uniquement concentré sur la victoire. Afin d’avoir un petit espoir de décrocher la médaille, le/la skieur/euse doit s’entraîner en permanence dans ces conditions de compétition afin d’améliorer sa pénétration dans l’air, c’est-à-dire réduire la force d’opposition due au vent en se positionnant de manière adéquate, afin d’augmenter sa vitesse. L’athlète pourrait évidemment s’entraîner sur le toit de sa voiture, mais ces dernières années, les entraîneurs ont plutôt opté pour un autre outil « plus terre-à-terre », inventé par Gustave Eiffel au début du 20ème siècle pour l’industrie de l’aviation : la soufflerie.
LE PROJET WINDFEELING, UN COUP DE SOUFFLE POUR LES SKIEURS ET SKIEUSES DE HAUT NIVEAU
Dans le cadre d’un partenariat franco-suisse, la Fédération Française de Ski (FFS), le Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de LA Motricité (LIBM), l’Université des Sciences Appliquées (HEPIA) et deux jeunes sociétés d’ingénierie WindShape et 86 Innovations, ont imaginé la première soufflerie mobile robotisée, WindFeeling, pour l’amélioration de la performance en ski alpin et saut à ski par stimulation sensorielle, la technologie servant également de simulateur grand public.
Le projet porte sur la conception d’une soufflerie à inclinaison variable, plaçant les skieurs/skieuses et sauteurs/sauteuses dans des conditions de graviception (perception de la gravité) proches de celles qu’ils/elles rencontrent en conditions réelles, et qui soit transportable (par camion) pour intégrer des phases d’entraînement à la fois en soufflerie et sur tremplin (pour les sauteurs) ou en soufflerie et sur piste (pour les skieurs/skieuses).
Apparente à un tunnel de vent, cette soufflerie est composée d’une pièce en forme de tunnel avec, à l’extrémité, un grand ventilateur pour générer des vents de plus de 100 km/h. En utilisant cette structure, l’athlète n’a plus besoin de se déplacer ; il est placé (à l’arrêt) dans le vent de la soufflerie, et ce système reproduit alors fidèlement les phénomènes aérodynamiques rencontrés sur une piste de ski. Cette soufflerie, associée à des modélisations biomécaniques, vise ainsi une meilleure compréhension des déterminants de la performance en ski. Ces résultats scientifiques permettront une optimisation des méthodes d’entrainement des sportif-ve-s de haut-niveau.
La structure comprend également une plate-forme mécanique actionnée simulant des pistes de ski alpin ou des pistes de ski cross. Les sensations qui y sont générées correspondent à celles que le/la skieur/skieuse éprouve dans des conditions réelles, ce qui lui permet d’adapter sa position, pour une meilleure maîtrise de sa trajectoire. Cette plateforme offrira à l’athlète un équipement interne permettant des ajustements du gradient de la pente dans des positions inclinées et/ou en parallèle. Par conséquent, l’entraîneur et son athlète seront en mesure de répondre aux exigences d’une pente de championnat. Fixé-e sur cette structure à pente variable et face à la force du vent, avec seulement une paire de lunettes d’immersion virtuelle, le/la sportif-ve se sentira comme s’il était debout en haut de la pente de saut à ski, alors qu’il sera simplement dans une enceinte vitrée, entouré-e d’ingénieur-e-s aérodynamicien-ne-s et d’entraîneur-e-s analysant sa position, dans l’objectif d’améliorer la position de coulissement et d’atteindre, contre le vent, les 155 km/h.
Le projet prévoit également un robot permettant de simuler les variations de relief telles qu’elles existent sur une piste de ski alpin ou de ski cross. Ce système innovant est révolutionnaire car les souffleries existantes se présentent comme des structures horizontales ne permettant pas à l’athlète de percevoir la pente, et en particulier l’effet de la gravité, qui, sur les pistes de ski, atteint les 30 degrés d’inclinaison ou plus.
De même, le système de mesure utilisé actuellement par les équipes de France de ski ne permet pas de dissocier les forces aérodynamiques (traînée et portance) des forces musculaires développées par le skieur. Le projet WindFeeling se propose de coupler la mesure dynamique (plateforme de force) avec de la mesure cinématique (caméras et suivi de mouvement) donnant ainsi accès, par modélisation biomécanique, aux différentes forces aérodynamiques et musculaires appliquées au skieur/skieuse.
Pour les sauteurs/sauteuses à ski, cette soufflerie permettra d’enchaîner la prise d’élan, l’impulsion et le vol dans le même timing que sur un véritable tremplin. Un robot spécifique s’occupera de suivre le skieur lors de l’impulsion et le maintenir en l’air le temps d’un vol simulé. Ce robot, véritable joyau de technologie, pourra aussi mesurer les forces aérodynamiques à tout moment.
LE SIMULATEUR DE SKI, UNE INNOVATION POUR PROCURER DES SENSATIONS FORTES CHEZ LE GRAND PUBLIC
Autre innovation, et pas des moindres, cette soufflerie a été conçue pour être mobile. Elle est déplaçable à l’intérieur d’un camion afin d’être également proposée au grand public. L’idée est de développer le premier simulateur de ski intégrant un large répertoire des sensations recréées (vent, pente, mouvement, vision), la réalité virtuelle étant devenue un enjeu économique majeur dans le monde du loisir sportif. Ainsi, ce simulateur pourra être le support d’animation de tout événement sportif ou culturel (coupe du monde de ski, festivals, etc.). L’application grand public du Windfeeling permettra, pour les utilisateurs grand public, de vivre des sensations « physiques » issues de disciplines sportives inaccessibles comme le saut à ski, pour laquelle il n’existe pas de pratique loisir. Le simulateur pourra également recréer, en toute sécurité, les émotions d’une descente à ski sur les pistes les plus prestigieuses du monde.
UN PROJET PORTÉ PAR LES COMPÉTENCES DE NOMBREUX CONTRIBUTEURS
La Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité (LIBM) de l’Université Savoie Mont Blanc
Sous la co-tutelle de l’USMB, de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne et de l’Université Claude Bernard Lyon 1, le Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité (LIBM) travaille sur des thématiques axées sur la physiologie de l’exercice, incluant des approches biomécaniques et de neurosciences, appliquées au sport et à la santé. Une des grandes thématiques de recherche de ce laboratoire est la biomécanique de la locomotion, avec études des facteurs biomécaniques de la performance motrice, en collaboration avec des athlètes de haut-niveau.
La Fédération Française de Ski
La Fédération Française de Ski (FFS) est consacrée à la pratique et au développement du ski sous toutes ses formes en France, elle regroupe tous les clubs de ski de France et organise des compétitions sur son territoire. La FFS sélectionne et prépare les représentant-e-s français-es en vue des compétitions ou manifestations internationales. Elle définit les règles techniques et participe à la réalisation des textes de loi sur l’encadrement professionnel du ski. Son Département Sportif et Scientifique a pour missions la recherche et le conseil scientifique aux équipes de France de ski ainsi que l’élaboration des directives techniques nationales et la gestion de la formation des cadres au sein de la FFS. Les compétences des membres de ce département sont essentielles pour créer un outil utile aux athlètes et entraîneurs afin d’optimiser la performance. De même, elles ont un rôle important quant à la production de nouvelles connaissances scientifiques en lien avec l’aérodynamique et les perceptions des athlètes, pour mieux comprendre les facteurs de la performance.
La Haute École du Paysage, d’Ingénierie et d’Architecture de Genève
La Haute École du Paysage, d’Ingénierie et d’Architecture de Genève (HEPIA) est le groupement d’une prestigieuse école d’ingénieurs genevoise et d’autres écoles dans le domaine de l’architecture et du paysage. L’enseignement dispensé est assez généraliste mais est particulièrement orienté sur la mécanique. L’un des laboratoires phares de cette école est le laboratoire d’aérodynamique, hydrodynamique, et mécanique des fluides. Les installations comprennent une grande soufflerie subsonique, où se font tous les essais de la Fédération Française de Ski depuis 2006.
86 Innovations Sarl
86 Innovations Sarl est un jeune bureau d’ingénieur-e-s spécialisé dans la mécanique pure, la robotique, la dynamique des fluides et l’énergétique. Basé à Genève, non loin de la soufflerie d’hepia, cette entreprise a l’ambition de devenir le centre suisse de recherche et d’expertise en aérodynamisme et hydrodynamisme d’ici 2020. Les collaborateurs et partenaires font partie de l’élite mondiale dans leurs domaines respectifs et le projet WindFeeling permettrait un avancement majeur dans la technique de mesure expérimentale en aérodynamisme.
WindShape
WindShape est une startup de HEPIA centrée sur des solutions de génération de vent destinées à satisfaire les besoins de l’industrie et du monde académique là où les technologies conventionnelles (souffleries à vent constant et uniforme du 20ème siècle) ne suffisent plus. En particulier, cette société répond aux besoins modernes d’une technologie en plein essor, celle des drones, en fournissant des possibilités de vent variable dans le temps (rafales), profilé, à turbulence variable, à direction ajustable, et sans encombrement (parois). Les domaines d’applications de la technologie offerte par WindShape sont très variés, allant du domaine scientifique et technologique (souffleries pour drones, souffleries environnementales, souffleries pour éoliennes, souffleries pour voiliers, souffleries pour technologies sportives etc.) aux simulateurs de vent (parcs d’attraction, home-trainers, etc.).
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Crédits photos : FFS
