Jean-Christophe Clément, chercheur au CARRTEL, publié dans la prestigieuse revue Nature

Publié le lun 6 Fév 2017

« Les zones de montagne, qui couvrent une grande partie de la surface terrestre, sont très vulnérables aux changements climatiques qui pourraient radicalement impacter leur fonctionnement« , prévient une étude publiée dernièrement dans la revue scientifique Nature par une équipe internationale de 16 chercheur-e-s dont Jean-Christophe Clément, Professeur d’écologie à l’UFR des Sciences de la Montagne à l’Université Savoie Mont Blanc au sein du CARRTEL, Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux Trophiques et les Écosystèmes Limniques (UMR USMB-INRA). Sandra Lavorel et Karl Grigulis, deux chercheur-e-s du Laboratoire d’Écologie Alpine (LECA) ont également contribué à la rédaction  de cet article.

L’article présente les résultats d’une étude coordonnée par l’Université d’Umeå en Suède (Dr. J. Mayor et Pr. D. Wardle, SLU) en partenariat avec :

UNE ÉTUDE QUI RÉVÈLE QUE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE MENACE LE FONCTIONNEMENT DES ÉCOSYSTÈMES ALPINS

Les écosystèmes de montagne sont très sensibles au réchauffement climatique et ceci se caractérise à l’échelle planétaire par une remontée de la limite forestière vers la zone alpine. Les résultats de cette étude suggèrent que le réchauffement climatique modifiera aussi considérablement la façon dont les écosystèmes alpins fonctionnent en créant un déséquilibre, ou un décalage, entre les besoins des plantes et les ressources des sols. Non seulement cela pourrait avoir des conséquences importantes pour les cycles biogéochimiques, mais également pour la biodiversité des montagnes, la ressource en eau et la stabilité des sols.

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Dans ces travaux, les chercheur-e-s ont utilisé des gradients altitudinaux naturels, localisés sur 7 massifs répartis sur la planète (Europe, Japon, Australie orientale, Nouvelle-Zélande, Colorado, Colombie-Britannique et Patagonie), et qui s’étirent entre 150 m sous la ligne des arbres et 150 m au-dessus. L’altitude sert ici de substitut au réchauffement climatique pour lequel on s’attend à ce que n’importe quelle altitude donnée subisse, dans 80 ans, la même température que celle d’une altitude qui est 300 mètres plus bas aujourd’hui. Cette approche permet de prédire les effets d’un réchauffement dans de vrais écosystèmes de montagne sans les biais des approches expérimentales.

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L’étude internationale a révélé qu’une altitude décroissante (en descendant vers des températures plus chaudes) mimait un réchauffement climatique et augmentait la disponibilité en azote du sol nécessaire à la croissance des plantes. A contrario, les chercheur-e-s ont constaté que la disponibilité du phosphore pour les plantes n’était pas contrôlée par l’altitude de la même manière. Par conséquent, l’équilibre entre la disponibilité en azote et en phosphore dans les feuilles des plantes était très similaire à hautes altitudes dans les sept massifs répartis sur la planète, mais divergeait considérablement aux altitudes inférieures. En d’autres termes, le recyclage de l’azote est plus rapide quand les températures augmentent alors que la disponibilité en phosphore ne change pas. Cela signifie que lorsque les températures deviennent plus chaudes avec le changement climatique, l’équilibre crucial entre ces deux nutriments qui soutiennent la croissance des plantes, pourrait être radicalement modifié dans les régions alpines. Avec le réchauffement, les cycles de ces deux éléments du sol indispensables à la végétation risquent donc d’être découplés, et cette perte d’équilibre entre azote et phosphore entrainera alors une baisse de productivité des écosystèmes de montagnes. La plupart des modèles climatiques sur la végétation terrestre suppose que les plantes pourront migrer vers le haut des montagnes avec le réchauffement, mais cette étude montre que cette migration sera compliquée par la disponibilité en nutriments.

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Les chercheur-e-s ont également constaté que l’augmentation de la température et ses conséquences pour la nutrition des plantes étaient liées à d’autres changements dans le sol, y compris les quantités de matières organiques et la composition de la communauté microbienne du sol. Ces changements sont en partie indépendants de tout effet de la ligne des arbres avec la zone alpine, ce qui signifie que les effets du réchauffement sur les propriétés de l’écosystème se produiront indépendamment de toute migration des arbres vers le haut en raison de températures plus élevées.

Ces résultats s’avèrent remarquablement uniformes pour les sept régions de montagne étudiées et réparties sur la planète. Ils suggèrent non seulement que le réchauffement pourrait avoir un impact sur la croissance des plantes dans les écosystèmes de montagne, mais aussi que ces changements sont liés aux effets du réchauffement sur les sols, et en particulier sur le cycle des nutriments clés qui soutiennent la croissance des plantes.

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Crédits photos : J. Mayor