Des déchets de crustacés pour traiter les eaux usées des industriels

Publié le mer 6 Jan 2021 Kitobiosphere Logo Edytem

Éliminer certains métaux lourds présents dans les effluents aqueux avec de la poudre de carapace de crustacés serait possible grâce à la solution développée par Imadeddine Lakehal, doctorant du laboratoire Environnements, Dynamiques et Territoires de la Montagne (anciennement au laboratoire de Chimie Moléculaire et Environnement) de l’université Savoie Mont Blanc (USMB), dans le cadre du projet KitoBioSphères (KBS).

Des résultats d’une thèse au projet de création d’une start-up

À l’heure où les industriels sont confrontés au challenge du traitement de leurs effluents aqueux, avec un durcissement des contraintes imposées par la directive cadre sur l’eau (DCE), Imadeddine Lakehal s’est penché, lors de son travail de thèse au sein du LCME, sur une solution d’épuration d’eaux usées à base de chitosane (prononcez kitozane). Avec ce biopolymère, extrait de carapaces de crustacés (crevettes, crabes, homards, …), le chercheur travaille sur la mise au point de la fabrication à grande échelle de billes permettant de capter des métaux lourds, dits divalents, comme le cuivre, le nickel et le plomb, dissouts dans les eaux rejetées par les industriels en recherche de nouvelles technologies pour se conformer aux normes environnementales de plus en plus strictes.

« À la suite de mes années de doctorat, accompagné de deux experts scientifiques du LCME, le docteur Laurence Reinert et le professeur Laurent Duclaux, j’ai réussi à obtenir de bons résultats et je me suis donc dit : pourquoi pas créer une start-up pour exploiter ces résultats. L’objectif est d’utiliser ces compétences acquises pendant ma thèse pour proposer un produit final aux industriels (en métallurgie, agro-chimie, tannerie, potabilisation de l’eau, etc.) pour les aider à mieux traiter leurs déchets en eaux usées avant leur rejet dans la nature. Afin de pouvoir poursuivre ce projet, j’ai candidaté au Challenge Out Of Labs de la SATT Linksium et obtenu un financement et un accompagnement personnalisé pour monter une start-up », raconte Imadeddine Lakehal, post-doctorant du LCME et porteur du projet KitoBioSphères.

L’accompagnement en maturation, proposé par la Société d’Accélération du Transfert de Technologies (SATT) Linksium et soutenu par la cellule valorisation de l’USMB, permet d’une part de consolider les résultats préliminaires obtenus en laboratoire, et d’autre part de mieux cerner les besoins du marché du traitement de l’eau. La propriété intellectuelle protégeant les résultats sera exploitée pour un transfert de la technologie vers une start-up crée dans ce but.

Le projet KitoBioSphères : des déchets de crustacés à des billes filtrantes biosourcées et régénérantes

Une fois les déchets de crustacés récupérés, broyés et transformés en chitosane par une entreprise spécialisée, le chercheur se fournit directement de cette substance pour la solubiliser dans un milieu acide et lui faire subir des transformations. Elle est ensuite utilisée dans un appareil de fabrication des billes d’une taille contrôlée, allant 0,5 mm à 2,5 mm de diamètre. La formulation utilisée pour la préparation des billes permet également de préparer des billes de plusieurs centimètres de diamètre via une autre technique de mise en forme.

Après de nombreux tests d’adsorption sur certains métaux (cuivre, nickel, plomb, cadmium, zinc, cobalt) effectués à l’échelle laboratoire, il s’est révélé nécessaire de tester les capacités et l’efficacité d’adsorption de ces billes sur des effluents aqueux réels émanant des procédés industriels. Un spécialiste dans le recyclage des batteries au plomb a notamment montré un intérêt pour cette solution et a fourni des échantillons qui permettent au laboratoire d’effectuer des tests en conditions réelles. Visé comme prochaine étape, le projet KitoBioSphères recherche à installer la solution au sein d’une installation de traitement des effluents afin de valider les performances sur la durée. Par simple contact avec ces eaux, les billes devront ainsi confirmer leur capacité à les dépolluer en partie ou en totalité.

Par leur grande capacité d’adsorption vis-à-vis des métaux, plus précisément au contact du cuivre et du plomb, et leur composition en chitosane, un matériau biosourcé (issu des déchets de crustacés), ces billes offrent une solution alternative et écologique aux billes en résine échangeuses d’ions utilisées actuellement par les industriels lors de leur traitement des métaux lourds dans l’eau.

« Le chitosane est un produit biodégradable, antifongique et antibactérien. Recycler le chitosane ne pose donc aucun problème. Il peut même être réutilisé dans la synthèse des billes : elles peuvent être dissoutes et refaçonnées de nouveau. Cette solution participe à la valorisation de la biomasse en utilisant un produit issu de cette biomasse. Dans tous les cas, un nouveau déchet ne sera pas reproduit. Les billes pourront être très bien recyclées par la suite », précise Imadeddine Lakehal.

Ces billes se caractérisent également par leur capacité de régénération. Mais à quel point ?


Crédit photos : Alice Treuvey – Université Savoie Mont Blanc

« On ne sait pas encore… c’est l’étude que je vais mener pendant les 18 mois de maturation accompagnés par la SATT Linskisum et la cellule valorisation de l’USMB. Cette étude va porter sur cette capacité de régénération des billes de chitosane pour observer jusqu’à combien de fois on peut les réutiliser sans diminuer leur efficacité et qu’elles ne soient plus économiquement viables dans ce type de traitement. De plus, une fois que les billes ont adsorbé les métaux et qu’elles sont saturées, elles vont être régénérées et un concentrât des métaux absorbés va être récupéré. La question se pose : que va-t-on faire de ces métaux ? C’est ce que l’on va également explorer et chercher à déterminer pendant les mois à venir : comment réussir à récupérer efficacement la totalité des métaux adsorbés et comment les revaloriser ensuite », explique Imadeddine Lakehal.

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