Les activités humaines sont le principal facteur de l’érosion des sols dans les Alpes depuis 3800 ans.

Publié le mar 27 Fév 2024 erosion sols alpes italie edytem2

Le 10 février dernier, un article intitulé « Human-triggered magnification of erosion rates in European Alps since the Bronze Age » a été publié dans la revue scientifique “Nature Communications”. Il a été écrit par des chercheurs du laboratoire de recherche Environnements, Dynamiques et Territoires de Montagne (EDYTEM) en collaboration notamment avec l’Institut de Physique du Globe de Paris, le laboratoire SpecSolE et l’UMR PACEA.

Une étude inédite publiée dans la revue Nature Communications

Figure 1 – Pastoralisme dans les Alpes. Source : Julia Garagnon

À l’heure où l’érosion des sols menace nos sociétés, en impactant la biodiversité, le stockage de CO2 ainsi que les capacités de production alimentaire, il est fondamental d’en étudier et d’en quantifier les causes principales que sont le climat et les activités humaines (en particulier l’agriculture et le pastoralisme, Fig. 1). Du fait de leurs caractères imbriqués, quantifier les rôles respectifs de ces deux facteurs sur l’érosion n’avait jusqu’à présent jamais été réalisé.

Erosion des sols : l’Anthropocène en question

L’une des principales caractéristiques de l’époque géologique dite de l’Anthropocène est l’augmentation drastique de l’érosion des sols à l’échelle mondiale. L’érosion des sols, et donc de la Zone Critique menace l’habitabilité de la Terre, non seulement parce que les sols sont une composante essentielle du système terrestre, mais aussi parce que nos sociétés dépendent de cette ressource.

Il est donc particulièrement crucial d’étudier ce phénomène dans les zones montagneuses, où les taux d’érosion les plus élevés sont enregistrés. Le bassin versant du lac du Bourget, l’un des plus grands des Alpes européennes, est utilisé dans cette étude pour estimer quantitativement l’impact des activités humaines sur l’érosion. Sur la base de l’étude approfondie d’une carotte de sédiment de lac (Fig. 2), et en utilisant la géochimie isotopique via une approche « source-puits », il est établi que les effets des activités humaines l’emportent sur ceux du climat sur l’érosion depuis plus de 3800 ans.

Figure 2 – Barge de carottage du CNRS (DT-INSU, CCF) utilisé sur le lac du Bourget en 2018 et 2019 afin de carotter les sédiments accumulés dans le fond du lac depuis 10000 ans. Source visuel de gauche : Manon Bajard, source visuel de droite : William Rapuc

Le pastoralisme et l’agriculture, acteurs majeurs de l’érosion des sols

Figure 3 – Schéma détaillant les étapes d’analyses et les principaux résultats obtenus dans cette étude.* Source : William Rapuc.

Par ailleurs, l’analyse et l’agrégation de reconstructions paléo-environnementales régionales permettent de montrer que parmi toutes les activités humaines, le développement du pastoralisme en haute altitude (Fig. 1) à partir de l’âge du Bronze, et l’extension de l’agriculture à partir du Moyen Âge, ont été les deux moments clés de l’augmentation drastique de l’érosion observée dans les Alpes (Fig. 3).

Cette étude démontre aussi que même des activités agro-pastorale de faibles envergures comme celles de l’âge du Bronze ont pu avoir un effet direct et majeur sur l’érodabilité des sols. Développer des approches quantitatives similaires sur d’autres terrains de recherche permettrait de mieux évaluer l’ampleur spatiale de l’impact des activités humaines sur les sols et d’en affiner la temporalité. De telles études sont indispensables pour tester l’hypothèse d’un impact précoce à grande échelle des activités humaines sur l’environnement, remettant ainsi en question l’hypothèse selon laquelle l’Anthropocène commencerait avec la révolution industrielle.

*Les données obtenues sur la séquence sédimentaire et les échantillons de sédiments du bassin-versant (A) ont permis de quantifier l’érosion (B) de la partie non-englacée du bassin-versant (où les activités humaines et le climat impactent l’érosion au cours du temps) et celle (C) de la partie englacée du bassin versant (influencé uniquement par le climat). A partir de ces deux signaux, (D) l’effet des activités humaines sur l’érosion a pu être quantifié au cours des 10000 dernières années et (E) le type d’activités responsable a pu être mis en évidence.

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