La gestion durable des sites d’art rupestre vers un renouveau méthodologique avec EDYTEM

Publié le ven 29 Mar 2019

Mélanie Duval, chercheuse CNRS au laboratoire Environnements, Dynamiques et Territoires de la Montagne (EDYTEM – CNRS, Université Savoie Mont Blanc, Ministère de la culture et de la communication), a co-écrit, un article dans la revue internationale International Journal of Heritage Studies sur les enjeux de gestion des sites d’art rupestre (œuvres d’art au sens large réalisées par l’Homme sur des rochers), associant des collègues sud-africains, et développant de nouveaux concepts et méthodes sur l’analyse des valeurs patrimoniales.

Vers de nouvelles perspectives en matière de gestion durable des sites d’art rupestre

La gestion durable des sites d’art rupestre nécessite le développement d’approches globales à même de prendre en compte l’ensemble des pratiques socio-culturelles qui entourent ces derniers, particulièrement complexes dans les contextes post-coloniaux. En vue de répondre à cet enjeu social, cet article expose la méthodologie développée à partir des sites d’art rupestre du massif du Maloti-Drakensberg, en Afrique du Sud.

Témoins de toutes les époques, présents à l’échelle du globe, les sites d’art rupestre sont confrontés à des enjeux de gestion durable, alliant des volets de protection et des questions d’accessibilité. Dans les contextes post-coloniaux, ces enjeux d’accessibilité renvoient tant à la mise en tourisme de ces patrimoines qu’au maintien des possibilités d’accès pour les groupes sociaux ayant des pratiques coutumières en lien avec les sites d’art rupestre. L’enjeu est alors de développer des approches globales prenant en compte l’ensemble des pratiques associées aux sites d’art rupestre afin de penser des modes de gestion durable.

Suivant ce double objectif de gestion durable et d’approche globale, une équipe de recherche franco / sud-africaine pluridisciplinaire s’est appuyée sur la notion «d’approche cosmopolitique » (terme combiné de cosmos « univers » et de politès «citoyen ») pour proposer une nouvelle manière d’aborder les usages et les valeurs attribuées aux sites d’art rupestre. Compte tenu du contexte multiculturel sud-africain, l’enjeu est ici de dépasser une approche par types d’acteurs pour identifier des points d’intérêts interculturels, des registres transversaux à différents groupes d’acteurs qui sont autant de valeurs partagées sur lesquelles les gestionnaires peuvent s’appuyer pour penser des modes de gestion durable.

Une étude menée par une équipe scientifique franco/sud-africaine

L’étude résulte de deux projets de recherche conduits dans le massif du Maloti-Drakensberg, en Afrique du Sud : projet de recherche « Vulnerabilis », financé par l’Institution de recherche pour le développement (IRD), suivi du projet de recherche « Patrimonialisation, valorisation et management des sites d’art rupestre du massif du Maloti-Drakensberg (PaVaMa) » financé par l’Institut français d’Afrique du Sud (IFAS). Sur la base d’un large corpus composé d’entretiens semi-directifs auprès des populations locales, des guides, des acteurs touristiques et des acteurs institutionnels en charge de la gestion des sites d’art rupestre du massif, une approche thématique a permis de faire ressortir six registres transversaux aux différents groupes d’acteurs. Si ces registres sont spécifiques à l’étude de cas, l’étude précise en conclusion les possibilités de transfert de la démarche à d’autres régions où sont présents des sites d’art rupestre, voire à d’autres types de sites / d’espaces patrimonialisés.

« En tant que porteuse des deux projets de recherche durant lesquels nous avons récolté les données mobilisées dans le cadre du projet sur les enjeux de mise en tourisme des sites d’art rupestre, dans le Drakensberg, j’ai co-géré les volets logistiques , administratifs et financiers associés à ce type de missions. Sur le terrain, j’ai participé, au même titre que les autres personnes impliquées dans le projet, à la conduite des entretiens avec les acteurs et les personnes locales, en couplant ces derniers à l’analyse des formes de mise en tourisme et des modes de médiation (via des observations et des carnets de terrain). Au niveau du traitement, j’ai pris part à la transcription des entretiens et à leur analyse collective, via les méthodes d’analyse de contenu classiquement utilisées en sciences humaines et sociales. J’ai ensuite porté le projet de publication en co-écrivant ce dernier avec les collègues français, suisses et sud-africains.” raconte Mélanie Duval, chercheuse CNRS à EDYTEM.

« Ce qui est original dans ce projet et dans la méthode développée, c’est qu’à partir d’un même corpus (1 000 pages de transcription d’entretiens), nous avons tous, les membres de l’équipe également co-auteurs de la publication scientifique, procédé à une analyse de contenu. Cette analyse de contenu a été faite en trois temps. Dans un premier temps, chaque membre de l’équipe a procédé à sa propre analyse, de manière à identifier des points de convergence entre les acteurs rencontrés. Chaque auteur a donc dressé sa liste de points de convergence. Dans un second temps, les listes des co-auteurs ont été confrontées et croisées. Après plusieurs échanges, six registres de convergence ont finalement été retenus. La démarche a particulièrement bien fonctionné car nous sommes une équipe interdisciplinaire et internationale, avec des profils de chercheurs diversifiés, tout en ayant un socle commun compte tenu de nos recherches partagées sur les sites d’art rupestre. Ce qui fait que nous avions des grilles de lecture à la fois différentes et similaires, rendant possible et fécond ce type de démarche. Dans un troisième temps, ces registres ont été soumis aux acteurs rencontrés sur le terrain, lesquels ont en retour validé leur pertinence. Ces registres sont autant de points autour desquels les gestionnaires en charge des sites d’art rupestre dans cette région peuvent construire des plans de gestion faisant consensus et donc, durables. Les six registres que nous avons identifié sont spécifiques à notre étude de cas, présentement les sites d’art rupestre du Drakensberg. Mais la méthode est transférable et elle est d’ailleurs au centre d’un projet ANR que nous venons de déposer, COSMO-ART. Ce projet associe 19 chercheurs français de cinq laboratoires différents et autant de partenaires sud-africains et namibiens. Il vise à éprouver la robustesse de l’entrée cosmopolitique en investissant deux nouveaux terrains, les sites d’art rupestre près de Kimberley (Karoo, Afrique du Sud) et ceux du massif de l’Erongo (Namibie)” ajoute Mélanie.

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