Préservation des écosystèmes aquatiques du Léman et des rivières transfrontalières : le CARRTEL impliqué dans une approche innovante

Publié le mar 4 Juin 2019

Les cours d’eaux et les lacs jouent un rôle fondamental dans l’environnement, non seulement en fournissant un habitat à la faune et à la flore, mais également en améliorant le paysage et la qualité de vie. Pour appuyer les actions de préservation des zones aquatiques, le projet Interreg France-Suisse SYNAQUA (SYNergie transfrontalière pour la bio-surveillance et la préservation des écosystèmes AQUAtiques), porté par l’Institut National Recherche Agronomique (INRA) avec le Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux Trophiques des Écosystèmes Limnique (CARRTEL, INRA – Université Savoie Mont Blanc) et  l’Université de Genève (UNIGE), propose d’utiliser des outils écogénomiques pour la bio-surveillance.

Une vidéo pour expliquer le projet Synaqua

Pour répondre aux besoins de gestion et de contrôle des ressources aquatiques du Léman, le projet développe une nouvelle méthode d’écogénomique, destinée à évaluer la qualité des milieux aquatiques. Les acteurs impliqués mutualisent leurs savoir-faire respectifs pour tester l’opportunité de cette technologie de bio-surveillance.

L’approche est basée sur une reconnaissance par leur ADN, d’organismes bio-indicateurs présents dans l’environnement aquatique, comme les diatomées ou les oligochètes. Cette méthode d’analyse de l’ADN environnemental est développée par les chercheurs français et suisses en collaboration avec les professionnels des services publics et privés. Elle permet d’élaborer des outils robustes et fiables et d’optimiser les pratiques courantes de bio-surveillance de l’environnement.

Le projet Synaqua (2017-2019) mis au point par un consortium de 7 partenaires institutionnels et privés suisses et français bénéficie d’un financement européen FEDER et de subventions fédérales et cantonales suisses.

Concevoir un outil de bio-surveillance des zones côtières du Lac Léman

Agnès Bouchez, directrice de recherche INRA au CARRTEL, cheffe de file du projet pour la France, encourage une approche pragmatique de la bio-surveillance.

« L’approche moléculaire permet d’évaluer la qualité des milieux aquatiques de façon plus fiable et à plus haut-débit. L’efficacité des mesures de protection de l’environnement repose sur le repérage précoce et précis des points de pressions, repérage qui sera facilité par cette approche. À terme, les outils de la génomique environnementale que nous développons au cours de ce projet devraient entrer dans le cadre réglementaire européen » explique Agnès Bouchez.

Ce projet s’appuie sur les travaux de thèse de plusieurs doctorants du CARRTEL : François Keck (2016), Valentin Vasselon et Kalman Tapolczai (2017). Ils ont travaillé sur l’optimisation de différents aspects de la simplification des méthodes de bioindication de la qualité des milieux aquatiques basées sur les diatomées.

Jan Pawlowski, professeur à l’UNIGE, le chef de file du projet pour la Suisse assure que la méthode moléculaire rend la collecte des données pour la bio-surveillance plus rapide et moins coûteuse que la méthode traditionnelle.

« Le progrès technologique permet d’obtenir les séquences d’ADN de tous les organismes présents dans un échantillon environnemental et ceci pour un grand nombre d’échantillons simultanément. Sur la base de ces données nous allons produire des indices génétiques pour déterminer la qualité globale des milieux aquatiques dans la région lémanique » expose Jan Pawlowski.

Le projet s’articule autour de quatre axes principaux :

  • la validation de la méthode moléculaire,
  • le développement d’indicateurs standardisés de la qualité de l’eau basés sur l’ ADN,
  • la sensibilisation des professionnels, des scolaires et du grand public aux avantages de la génomique pour la surveillance de l’environnement,
  • une proposition d’outils innovants au service des politiques publiques de protection de l’environnement.

Cette approche testée sur les rivières françaises et suisses, ainsi que sur les zones côtières du Léman, livrera aux gestionnaires de l’environnement un diagnostic de qualité sur lequel ils pourront s’appuyer pour préserver ces écosystèmes régionaux emblématiques.

Cartographier la qualité écologique des rives du Léman

Les diatomées, des microalgues très abondantes dans les biofilms (cette matière glissante présente à la surface des galets) au bord du lac, sont d’excellentes “sentinelles de l’environnement” : en analysant la composition des espèces de diatomées présentes dans les biofilms, le niveau de pollution peut être déterminé avec précision. Grâce à l’approche haut-débit du métabarcoding ADN, il est possible d’identifier les diatomées rapidement. Une carte de qualité haut-débit basée sur l’ADN des diatomées (microalgues) des rives du Léman a ainsi été produite à partir de 156 sites qui ont été échantillonnés au cours du projet SYNAQUA. Les communautés de diatomées, décryptées grâce à leur ADN, ont permis de répartir ces sites dans 3 classes de qualité. Chacune d’elles présente des espèces de diatomées dont les écologies sont similaires et des caractéristiques physico-chimiques proches.

Ces résultats, obtenus grâce aux nouvelles approches ADN, apportent une connaissance nouvelle de la qualité écologique des rives du Léman. Les gestionnaires environnementaux locaux pourront s’appuyer sur ces résultats pour programmer de futures mesures de préservation ou de restauration. Cependant, basés sur une seule campagne d’échantillonnage, cette carte demande à être affinée par des campagnes complémentaires.

Découvrez une version interactive de cette carte

Cette carte a été présentée, en avril 2019, par les scientifiques de SYNAQUA à la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL) et aux gestionnaires de milieux aquatiques franco-suisses.

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