Le LIP/PC2S étudie l’impact psychologique et social de la pandémie

Publié le mar 12 Mai 2020

Depuis le début de la crise sanitaire liée au virus COVID-19, le Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie Personnalité, Cognition, Changement Social (LIP/PC2S) de l’Université Savoie Mont Blanc (USMB), laboratoire co-accrédité avec l’Université Grenoble Alpes, travaille sur l’impact psychologique et social de la pandémie sur la population. Une dizaine d’études ont ainsi été lancées auprès du public par les chercheurs de l’USMB, certaines en collaboration avec d’autres laboratoires universitaires, instituts de recherche ou structures sociales. Les études concernent aussi bien les personnes âgées, les enfants, le personnel soignant que l’ensemble de la population.

UNE SITUATION INÉDITE, SOURCE D’ANGOISSES

L’actuelle pandémie du coronavirus constitue une réalité particulière et inhabituelle qui bouleverse nos connaissances et notre façon de vivre. Tous ces changements et ces incertitudes sur l’évolution du virus et sur notre vie future, ont pu faire naître chez certains d’entre nous un sentiment d’anxiété, de stress ou de déprime.

Arnaud Carré, maître de conférences en psychologie à l’USMB, travaille sur le projet Fear-COVID19 qui s’intéresse à l’étude de nos émotions face à l’apparition de ce virus. Le projet s’appuie sur un outil diagnostique de peur du COVID-19 développé à l’international, traduit en version française pour les besoins du projet. Cette adaptation rendra possible l’utilisation d’un outil standardisé, nécessaire à une recherche quantitative de qualité, et compatible avec des données étrangères.

« Le but de cette étude est de réaliser une évaluation de l’anxiété et de la crainte de la maladie dans le cadre du COVID-19. Mélody Mailliez, coordinatrice expérimentale de l’étude, et moi-même, nous intéressons aux manifestations mentales et émotionnelles qui peuvent survenir durant une période de confinement et un événement majeur comme la pandémie actuelle », explique Arnaud Carré.

Arnaud Carré et Mélody Mailliez travaillent également sur le projet UN-COVID19 qui étudie l’impact des contextes spécifiques du coronavirus et du confinement sur l’état de santé des individus, notamment en termes de consommation de ressources psychologique et d’incertitude.

Anne Denis, maître de conférences en psychopathologie clinique à l’USMB, s’intéresse quant à elle à l’impact de l’état anxieux en contexte de pandémie sur la santé psychologique des femmes en période postpartum. Les symptômes anxio-dépressifs avant la naissance étant un prédicteur fort chez les mères à présenter des troubles psychologiques en post-partum, la chercheuse cherche à mieux comprendre le développement et le maintien des troubles psychopathologiques périnataux dans ce contexte difficile de pandémie afin d’optimiser l’accompagnement maternel dans le futur.

Autre population fortement touchée par le stress :  le personnel soignant. Le COVID-19 est une source majeure de stress pour les professions de santé actuellement sur-sollicitées et soumises à des contraintes professionnelles singulières en termes d’exposition et d’adaptation. Le projet AUTONOMIC, promu par le Service de Santé des Armées, est conduit en collaboration par des scientifiques de l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA) et du LIP/PC2S. Son objectif principal est d’identifier des marqueurs précoces de l’épuisement professionnel chez les personnels soignants confrontés à la crise COVID.

« L’étude AUTONOMIC permet de suivre sur le plan physiologique et psychologique des soignants sur plusieurs semaines dans le but d’identifier dans un premier temps, des biomarqueurs spécifiques et sensibles de l’activité du nerf vague prédictifs de l’épuisement permettant de proposer dans un second temps un programme de prévention adapté », explique Sonia Pellissier, maître de conférences en neurosciences et physiologie appliquée à la psychologie à l’USMB.

Enfin, afin de lutter contre la désinformation qui peut être source d’angoisse, des étudiantes du Master de Psychologie de la Prévention de l’USMB se sont investies dans l’animation du site web COVIDPSY. Cette plateforme recense des informations utiles et viables, constituées de ressources externes et de fiches pratiques élaborées par les étudiantes sur la base de leurs connaissances et de données scientifiques. Le site, régulièrement mis à jour et enrichi,  circule dans différentes structures de soin et a déjà de nombreux retours positifs de soignants, de familles et d’entourages de patients.

LES EFFETS DU CONFINEMENT SUR NOTRE SANTÉ MENTALE

Le 17 mars 2020, la population française est confinée chez elle pour lutter contre la propagation du virus COVID-19. Durant la mise en place de cette mesure sanitaire exceptionnelle, nos comportements et habitudes quotidiens ont dû ainsi s’adapter en conséquences, tant dans la vie personnelle que professionnelle. Une perte de repères qui peut impacter directement notre santé mentale et émotionnelle. Si le confinement protège la population des risques liés à la pandémie, il produit à son tour des effets psychologiques et psychosociaux qu’il est important de saisir et de mesurer.

Le projet MindCovid, dirigé par Thierry Atzeni et Sonia Pellissier, maîtres de conférences au LIP/PC2S, s’intéresse à l’effet des pensées spontanées sur la régulation affective en situation singulière de confinement en population générale.

« Les pensées spontanées, c’est-à-dire les pensées qui apparaissent de façon non intentionnelle lorsque l’on a l’esprit qui vagabonde ou que l’on rêvasse, sont des manifestations naturelles de notre fonctionnement cognitif normal. Des recherches récentes indiquent que ces pensées pourraient intervenir dans la régulation affective. L’objectif général de notre étude est d’étudier les variations des pensées spontanées au cours de la journée en situation de confinement et post-confinement, et de comprendre comment ces variations interviennent dans la régulation affective », explique Thierry Atzeni, maître de conférences en psychologie.

Nele Claes, doctorante au LIP/PC2S, travaille quant à elle sur l’influence du statut socio-économique sur le fonctionnement mental et le statut subjectif, dans le contexte du confinement relatif à la crise sanitaire actuelle. L’objectif est d’évaluer si le statut socio-économique, représenté par les conditions de logement notamment pendant le confinement lié à la crise du COVID-19, impacte la santé.

« Plus précisément, nous nous demandons si les conditions de confinement peuvent affecter la perception de son statut social et le sentiment de posséder moins que les autres. Ces deux éléments sont envisagés comme prédicteurs du fonctionnement mental et de la santé », précise Nele Claes.

Le LIP/PC2S s’intéresse également aux populations dites « fragiles »que sont les personnes âgées et les enfants.

Stéphanie Meynet, qui effectue son doctorat CIFRE à la Mutualité Française des Savoie et au LIP/PC2S, étudie l’impact du confinement sur la santé mentale et les capacités physiques des personnes âgées et fragiles à domicile. Alors qu’habituellement cette population fragilisée par la perte d’autonomie présente déjà des difficultés, voire une impossibilité, à se déplacer seule, la présence de la famille et la proximité avec les soignants représentent parfois les seules stimulations quotidiennes nécessaires au maintien de leur santé mentale et physique.

Sydney Gaultier, maître de conférences associé en psychologie clinique, collabore avec la protection de l’enfance de la Savoie afin de mesurer l’impact en santé mentale du confinement sur les enfants confiés aux services de la Protection de l’enfance auprès d’assistants familiaux.

« Alors que nous pouvions redouter des effets délétères du confinement sur la santé mentale des enfant placés, des premières observations émanant des assistants familiaux attestent du contraire. Ces données inattendues méritent notre attention et nous permettront de documenter cette situation inédite et proposer une première mesure exploratoire et descriptive des effets du confinement en santé mentale à partir de la perception des assistants familiaux dans le quotidien de leur prise en charge », explique Sydney Gaultier.

SE PRÉPARER AU MONDE DE DEMAIN

La crise due au coronavirus est exceptionnelle dans l’histoire mondiale de par son ampleur et son impact. Elle aura forcément des conséquences dans notre façon de voir le monde et d’y vivre.

L’étude COVADAPT, menée par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs dont fait partie Delphine Traber, docteure en psychologie sociale au LIP/PC2S, a pour objectif de comprendre les impacts sociaux, de santé mentale et de gestion de la crise que génère cette pandémie, et d’observer comment évoluent et se développent nos capacités d’adaptation au fil du temps. Ce projet permettra aux chercheurs de faire évoluer leurs outils scientifiques dans le but d’aider au mieux l’ensemble de la population si une telle crise venait à se répéter.

En collaboration avec l’Université de Lausanne, Aurélien Graton, maître de conférences en psychologie sociale et de la prévention, pose la question de la distance psychologique qui existe entre crise sanitaire et crise écologique. Pourquoi l’alerte lancée par la communauté scientifique au sujet du coronavirus a-t-elle provoqué une rapide mise en place de mesures, alors que celle concernant le profond dérèglement climatique de la planète peine à faire agir les gouvernements ? L’étude tente de comprendre, en comparant ces deux crises majeures, de quelle manière l’être humain traite mentalement ce qui l’entoure. Elle pourrait fournir des pistes sur la façon de présenter l’urgence climatique pour pousser les individus à agir.

En savoir plus

  • Contact : Annique Smeding, directrice du Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie Personnalité, Cognition, Changement Social