Solar Power : des étudiants développent un dispositif énergétique écologique pour une école sénégalaise

Publié le mer 3 Juin 2020

Créer un dispositif d’éclairage et d’assainissement de l’eau utilisant l’énergie solaire pour répondre aux besoins en électricité d’une école africaine tout en rendant de l’eau potable. C’est le défi que se sont lancés Iris Tisserand et Jérémie Chatelain, étudiants en DUT Sciences et Génie des Matériaux (SGM) à l’IUT de Chambéry avec leur dispositif baptisé Solar Power

Imaginé à l’origine pour leur projet tuteuré, le projet dépasse très rapidement le cadre des études des deux jeunes créateurs.

« Avant la rentrée de septembre 2019, nous avions décidé de donner à notre projet de 2ème année une composante humanitaire et utile à une communauté défavorisée. Parce que nous sommes étudiants et que nous voulons changer le monde, parce qu’on a encore les moyens de freiner avant la chute pour réduire notre impact et préserver les richesses qu’offre notre environnement, nous avons voulu transformer ce projet d’études en une opportunité de changer les choses à notre échelle et au-delà », explique Iris.

En parallèle du développement de leur prototype à l’IUT, les deux étudiants partent à la recherche de partenariats en Afrique. Iris et Jérémie se tournent d’abord vers le Tchad, où ils souhaitent développer leur projet en collaboration avec une école à N’Djamena, la capitale du pays. Malheureusement, le processus de partenariat entamé depuis plusieurs semaines par leur contact sur place ne peut finalement aboutir. Loin d’être démotivés, nos deux étudiants repartent activement à la recherche d’un nouveau partenaire. C’est finalement dans une école primaire sénégalaise près de Dakar que sera installé le Solar Power.

De l’idée au premier prototype

Pas question d’utiliser du pétrole ou d’autres ressources énergétiques fossiles et polluantes pour créer un dispositif d’éclairage et d’assainissement de l’eau. Le projet doit répondre en premier lieu au besoin en énergie d’une communauté locale, en tirant parti des ressources existantes sur place. En discutant des diverses problématiques techniques avec Jean-Louis Martin, leur professeur de physique et tuteur sur le projet, Iris et Jérémie font le choix de tirer parti de la chaleur et de l’ensoleillement importants présents sur place. Après plusieurs mois de réflexion et de tests à l’IUT, le prototype Solar Power se dessine. 

« Notre appareil va créer de l’électricité à partir de l’énergie solaire et récupérer l’eau de pluie qui tombe lors de la saison des pluies de juillet à septembre. Son principe de fonctionnement est le même qu’une centrale thermique solaire : les rayons du soleil sont concentrés en un point pour faire chauffer un réservoir d’eau, ici une cocotte-minute, puis l’eau va se transformer en vapeur et monter en pression. Elle va ensuite faire tourner un ventilateur d’ordinateur fixé sur la cocotte-minute, qui fait office de turbine et d’alternateur et qui va générer un courant électrique », explique Jérémie.

Pendant la saison des pluies en Afrique du nord, l’ensoleillement diminue et les précipitations cumulées atteignent les 500mm. Plutôt que d’être inutile à cette période, le Solar Power s’adapterait à la météo et au surplus de pluie en se convertissant en récupérateur d’eau grâce à un trou percé au centre de la parabole qui la transforme en un entonnoir géant. Un récipient sera placé sous la parabole pour collecter l’eau de pluie. Cette eau récoltée pourra servir de “carburant” au système ou bien être rendue potable grâce à la méthode SODIS (désinfection solaire de l’eau).

« L’eau est une ressource précieuse, surtout dans les pays pour lesquels est pensé le dispositif. Il est donc indispensable de minimiser les pertes en eau. Le Solar Power consomme de l’eau pour produire de l’énergie, mais peut aussi en produire hors saison des pluies. En effet, l’évaporation de l’eau utilisée est analogue à une distillation. Réaliser cette distillation avec de l’eau de mer permet d’obtenir en sortie une eau pure et de récupérer le sel resté dans la cocotte-minute pour en faire un usage alimentaire », ajoute Iris.

Pour faciliter la réalisation de leur prototype, les étudiants imaginent un système assemblant différentes pièces à base de matériaux simples et de récupération, qu’ils pourront trouver également sur place au Sénégal. Chaque partie est conçue, testée et validée par des expériences en laboratoire. Si le système de condensation de l’eau n’a pas pu être réellement développé par manque de temps, il fera l’objet de plusieurs heures de conception et d’expérimentation avant d’être intégré au Solar Power.

« Nous avons pu travailler sur deux front en même temps : pendant que l’un était à l’atelier en train de fabriquer une partie, l’autre était en conception ou en labo pour faire des tests sur une autre partie. La récupération de l’eau de pluie reste également à tester, d’abord en conditions de laboratoire avec un débit croissant pour valider la résistance et l’étanchéité de la parabole, puis dans des conditions réelles. Pour conclure, les bases du Solar Power ont été posées, ne reste plus que des systèmes autour de cette base à travailler et à tester », conclue Jérémie.

Avec le confinement, les deux étudiants doivent interrompre leurs derniers tests de rendement. Pour autant, pas question de laisser le projet se reposer. En attendant de retrouver leur prototype du Solar Power, entreposé à l’IUT de Chambéry, Iris et Jérémie se penchent sur la conception du dispositif au Sénégal. Ils souhaitent pouvoir le réaliser en collaboration avec les élèves de l’école Mérina de Rufisque, à la fois pour son aspect pédagogique et pour faire perdurer le partenariat avec l’établissement, en les impliquant directement dans le développement du projet. 

« Comme c’est une école primaire, cela pose un problème de matériel disponible pour la conception du dispositif sur place (visseuse, poste à souder, …). Nous essayons donc de contacter les lycées techniques à proximité pour remédier à cela. On travaille aussi sur un dispositif alternatif, le Wind Power, une approche technique que nous avions délaissée pour le Tchad mais qui serait très adaptée au Sénégal« , explique Iris.

Et comme pour leur premier dispositif, le Wind Power proposerait une production de courant écologique en utilisant cette fois-ci la force du vent. Proche du fonctionnement d’une éolienne, le Wind Power utilise la carcasse d’un petit hélicoptère télécommandé comme base de travail, en gardant l’axe de rotation des pales, les deux moteurs et la batterie. Plusieurs tests sont encore en cours pour vérifier la viabilité du système et sa fonctionnalité en conditions naturelles. 

Un projet aux multiples partenaires

En parallèle du développement de leurs dispositifs durant leurs cours de DUT, les deux étudiants travaillent à rassembler des fonds pour mener à bien leur projet humanitaire. Ils se rapprochent de l’Association des Pays de Savoie Solidaires qui leur vient en aide pour leurs recherches de partenariat et leur faire découvrir le monde de l’humanitaire. Puis sur les conseils d’Emmanuel Naffrechoux, l’un de leurs professeurs à l’IUT, Iris et Jérémie participent au 1er appel à projets lancé par la Fondation USMB.

« Entre la réalisation du prototype, le voyage jusqu’au Sénégal, l’installation sur place qui prend plusieurs semaines, etc., il nous fallait réunir un budget assez conséquent. Après avoir passé l’entretien auprès de la Fondation USMB, nous avons attendu le résultat avec impatience. Quand nous avons appris que nous faisions partie des 6 lauréats ds « Bourses Projets », ce fut une explosion de joie et un grand soulagement », témoigne Jérémie.

Les “Bourses Projets” de la Fondation USMB récompensent des projets innovants (jusqu’à 3000 € de financement), présentant un intérêt général pour la société et permettant aux étudiants de développer de nouvelles compétences. Les critères de sélection évalués par un jury de professionnels et par les Fondateurs, sont la créativité, la faisabilité, l’enrichissement individuel et collectif.

« Le projet Solar Power nous a permis de développer notre inventivité, notre efficacité et notre sens d’organisation et des relations humaines. Nous avons souvent pris sur notre temps personnel et nous avons mis à profit tous les savoirs-faire acquis en cours ou par nous-même.  Nous nous sommes fait aider chaque fois qu’une compétence nous manquait et c’était l’occasion d’en apprendre plus sur des domaines précis, comme par exemple le traitement de l’eau. Grâce au soutien de nombreux acteurs, professeurs passionnés, organismes engagés et amis généreux, nous avons pu porter ce projet cette année », explique Iris.

En attendant de pouvoir rejoindre le Sénégal l’année prochaine, Iris et Jérémie continuent d’améliorer le Solar Power et de développer le Wind Power. Ils souhaitent également proposer à la prochaine promotion du DUT SGM la conception d’un Wind Power fonctionnel et pourquoi pas un voyage commun pour installer leurs dispositifs dans l’école Mérina. Une belle manière de consolider le partenariat établi et de faire durer ce beau projet dans le temps.

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