Les humains à l’origine des fresques de la grotte Chauvet pouvaient admirer le Pont d’Arc, en Ardèche

Publié le lun 3 Mai 2021 pont d'arc grotte chauvet @ tristan schmurr (cc by 2.0)

Dans quel paysage évoluaient les humains qui, il y a 36 000 ans, ornaient les parois de la grotte Chauvet des plus anciennes fresques peintes de l’Humanité ? Des chercheuses et chercheurs du CRNS, de l’université Savoie Mont Blanc (laboratoire EDYTEM) et du Muséum national d’Histoire naturelle ont répondu à cette question à travers une étude publiée le 26 avril 2021 dans Scientific reports. Ces Hommes pouvaient déjà admirer le Pont d’Arc, arche naturelle aujourd’hui haute de 54 mètres qui enjambe l’Ardèche à proximité de la grotte.

Le Pont d’Arc, à proximité de la grotte Chauvet et de ses fresques millénaires

Découverte en 1994, la grotte Chauvet est classée au patrimoine mondial de l’Humanité depuis 2014. Elle est extraordinaire grâce à ses peintures et à leur qualité graphique et esthétique, deux fois plus anciennes que celles de Lascaux et remarquablement conservées grâce à l’effondrement de l’entrée de la grotte.

Depuis sa découverte, la grotte a fait l’objet de nombreuses études, nous permettant de dater ses fresques et de connaître sa morphologie avant, pendant, et après sa fréquentation par les humains. Mais l’environnement autour de la grotte restait encore à définir.

C’est maintenant chose faite grâce à cette équipe scientifique : le Pont d’Arc, daté avec cette étude scientifique à 124 000 ans, existait déjà dans le relief connu par les Paléolithiques fréquentant la grotte Chauvet.


Les chercheurs d’EDYTEM impliqués dans l’étude de la Grotte Chauvet Pont-d’Arc et sa reconstitution : la Caverne du Pont-d’Arc.

Le Pont d’Arc et la Combe d’Arc, des paysages déjà connus par les humains du Paléolithique supérieur

Pour arriver à cette conclusion, les scientifiques ont combiné plusieurs méthodes.

  1. En étudiant les reliefs grâce à un relevé topographique 3D à haute résolution spatiale, trois anciens niveaux de la rivière ont été identifiés.
  2. Les sédiments correspondants à ces trois niveaux ont ensuite été datés au moyen de la méthode paléo-dosimétrique de l’ESR (Résonance de Spin Electronique). Autrement dit les chercheuses et chercheurs ont analysé la dose totale de radiation naturelle accumulée au cours du temps par les sédiments, en la comparant avec la dose annuelle de radiation naturelle.
  3. Dans l’environnement des grottes à proximité, des analyses radiométriques ont permis la datation de concrétions souterraines créées par les eaux de l’Ardèche. Ces analyses permettent de dater un objet en se basant sur les éléments radioactifs qu’il contient.
reconstitution de l’évolution du paysage de la combe d’arc grotte chauvet
Reconstitution de l’évolution du paysage de la Combe d’Arc. Cette dernière est grandement influencée par l’encaissement progressif du cours de l’Ardèche.
© Kim Génuite

En associant ces méthodes, les chercheuses et chercheurs ont pu reconstituer l’évolution dans le temps du paysage, et notamment du méandre abandonné. L’arrêt de l’écoulement de l’Ardèche dans ce méandre, la Combe d’Arc, est lié à l’ouverture du Pont d’Arc qui est ainsi daté à environ 124 000 ans !

Compte tenu de la concentration de sites du Paléolithique supérieur autour de ce méandre, les chercheuses et chercheurs estiment que l’arche était un des éléments du paysage culturel des sociétés préhistoriques et qu’elle a pu jouer dans le choix de la grotte parmi beaucoup d’autres présentes dans ce site.

Une étude qui ouvre la voie à de nouveaux travaux

Cette conclusion ouvre la voie à d’autres travaux, notamment ethno-archéologiques et anthropologiques. Grâce à la connaissance du paysage, les chercheuses et chercheurs vont pouvoir étudier les éventuels liens entre ce paysage remarquable et la concentration de sites du Paléolithique supérieur (dont la grotte Chauvet) autour de la Combe d’Arc.

De nombreux site majeurs d’art rupestre se situent dans des reliefs avec de « fortes particularités paysagères » (Kakadu, Uluru (Australie), Dragensberg (Afrique du sud), Basse-Californie (Mexique), Lindosa (Amazonie-Colombie), etc).

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